Post by Andrei Tchentchik on Mar 12, 2020 19:26:10 GMT 2
(#A.083).- Pourquoi sauvegarder des espèces menacées… Et puis après ?
Pourquoi sauvegarder des espèces menacées… Et puis après ?
Nous savons que, depuis l'apparition de la vie sur Terre, des espèces animales disparaissent et d'autres apparaissent continuellement sur la planète. C'est un phénomène naturel. Par contre, les espèces disparaissent à un rythme beaucoup plus rapide depuis une centaine d'années, à cause de facteurs humains tels la pollution, la surexploitation commerciale, le braconnage et la déforestation. Et puis? Est-ce vraiment si important de protéger tous les animaux de notre planète?
Certains philosophes et scientifiques nous répètent que « si nous ne sauvons pas les animaux, comment pourrons-nous nous sauver nous-mêmes? » Mieux connaître et comprendre les animaux, c'est aussi mieux se connaître soi-même. La volonté de protéger les animaux et la nature en général démontre la valeur d'une société. Et si nous voulons tendre vers le développement optimal de nos ressources, il faut y parvenir non seulement d'un point de vue économique ou social, mais aussi sur des fondements plus environnementaux. C'est la vision du développement durable, celle-là même qui nous dicte d'utiliser nos ressources naturelles sans excès, pour le bien des générations futures qui en souhaiteront aussi les bénéfices.
Mais encore, pourquoi s'acharner à protéger des serpents, des crocodiles, des requins, des araignées, ou encore des loups et des rapaces? Parce que peu importe qu'un animal soit répugnant, mal-aimé ou potentiellement dangereux, tous les animaux jouent un rôle dans la nature et ont droit à leur chance de survie. Nous serions surpris des services qu'ils peuvent nous rendre en retour.
Question d'équilibre
Dans la nature, tout est inter-relié. Malheureusement, nous nous imaginons souvent très mal toutes les répercussions liées à la disparition d'une seule population animale d'un coin de forêt, d'un marais ou d'une portion de rivière. Imaginez les conséquences d'une coupe forestière pour le développement d'un nouveau quartier d'habitations, ou du remblaiement d'un marais pour y faire passer une route. Imaginez qu'on déverse des polluants à l'embouchure d'une rivière. Que se passerait-il? Évidemment, les arbustes, les arbres, les plantes aquatiques et les algues seraient contaminés, mourraient ou disparaîtraient. Par la suite, les animaux herbivores, à court de ressources, devraient quitter ce territoire, faute de nourriture. À leur tour, les petits prédateurs n'auraient plus de proies à se mettre sous la dent; les plus gros prédateurs également. Et ainsi de suite... Il y aurait dérèglement et déséquilibre dans cette nature modifiée et remodelée par l'être humain. Et comme chaque animal joue un rôle précis dans la chaîne alimentaire et dans l'équilibre de la nature, tout basculerait. Pour illustrer le rôle de chacun dans l'environnement, prenons comme analogie une pyramide identique à celles d'Égypte. Chaque espèce animale est représentée par un bloc de pierre. Si on enlève un bloc à sa base, il ne se passe rien. La pyramide est suffisamment solide avec tous ses autres blocs. Mais si on enlève plusieurs blocs au hasard, elle se fragilise et, à un certain moment, le retrait d'un seul bloc est de trop et la fait s'écrouler. C'est identique avec la pyramide de la vie. Toutes les espèces ont leur importance pour maintenir cet équilibre fragile dans la nature, même si, au premier coup d'œil, leur rôle ne semble pas évident à comprendre.
Voici un exemple qui illustre bien la complexité des liens unissant les espèces animales. Aussi étrange que cela puisse paraître, l'épaulard affecte le régime alimentaire du pygargue à tête blanche en Alaska! Des chercheurs ont découvert que l'augmentation du nombre d'épaulards provoque une diminution du nombre de loutres de mer, l'une de leurs proies favorites. La loutre, pour sa part, mange des oursins. Alors, moins il y a de loutres, plus les oursins sont abondants. Les oursins, eux, consomment de grandes algues qui servent de cachettes aux poissons et aux invertébrés le long des rives. Donc, plus il y a d'oursins, moins il y a d'algues et... de cachettes! En conséquence, les poissons changent de secteur. En Alaska, les pygargues à tête blanche sont des rapaces consommant surtout des poissons qu'ils trouvent dans les zones peu profondes au bord de l'océan. Ainsi, sans poisson, ils doivent se tourner vers une nouvelle source de nourriture. C'est ainsi qu'on a découvert que le déclin des loutres de mer en Alaska, en raison de la prédation des épaulards, oblige les pygargues à changer de diète et à choisir les oiseaux marins comme proie. Quel casse-tête!
La nature, source de vie
En observant la nature, l'être humain a inventé mille et une choses. Pensez à Léonard de Vinci qui dessinait des machines volantes en regardant le vol des chauves-souris. Sur le plan de la santé humaine, les animaux et les végétaux nous dictent souvent la voie à emprunter pour garder la forme. Prenons l'exemple des chimpanzés qui consomment différentes plantes en fonction des maux qu'ils contractent (troubles digestifs, crises de paludisme, parasites...). Ils ont appris quelles plantes soulageaient quels maux et selon quelles doses! Découvrirons-nous de nouveaux médicaments grâce aux chimpanzés? C'est ce que la vétérinaire Sabrina Krief soutient depuis qu'elle étudie le comportement de ces primates en Ouganda. L'être humain a donc avantage à sauvegarder ce singe et les quelques 190 espèces de primates peuplant les forêts tropicales d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud.
La nature peut être considérée comme une grande pharmacie. On y retrouve des milliers de composés essentiels à la survie de l'être humain. Le monde animal fait donc partie, en quelque sorte, de notre trousse de survie. Utilisée depuis le 19e siècle, la sangsue est maintenant employée en chirurgie pour les vertus de sa salive anticoagulante et anti-inflammatoire. Les éléments actifs du venin d'une vipère provenant du Brésil ont été synthétisés en un médicament contrôlant la pression sanguine. Le venin du scorpion sert à la recherche sur les tumeurs au cerveau. Les requins contribuent aux études sur la dégénérescence musculaire et certaines formes de cancer. Le miel des abeilles améliore la santé humaine en ciblant certains microbes dans notre organisme et en les attaquants. L'un des deux seuls lézards venimeux sur la Terre, le monstre de Gila, secréterait une substance dans son venin pouvant contribuer au traitement du diabète. Finalement, en étudiant une espèce de grenouille africaine, on s'en rendu compte qu'elle produisait une molécule prévenant les infections découlant de lésions corporelles. Les scientifiques s'intéressent à cette capacité des grenouilles dans leurs recherches sur le VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Imaginez le potentiel des 5,500 espèces de grenouille qui, pour la plupart, ne produisent pas toutes la même molécule! On pourrait trouver bien des remèdes à nos petits et gros bobos. Malheureusement, les amphibiens dépérissent rapidement à cause de la pollution, de la perte d'habitats et des changements climatiques. En 2008, les scientifiques déclaraient que plus du tiers des amphibiens sur la planète étaient gravement menacés.
Les plantes aussi jouent un rôle primordial pour notre santé. Sur les 150 médicaments les plus prescrits, une centaine d'entre eux proviennent de plantes. Plusieurs ingrédients actifs trouvés dans ces végétaux peuvent heureusement être synthétisés en laboratoire. C'est le cas de l'aspirine qui provient du saule. À l'opposé, la synthèse des molécules anticancéreuses contenues dans l'if du Canada est impossible. On doit donc procéder à la cueillette de l'arbuste si on veut en retirer des bénéfices. Certaines entreprises spécialisées ont ce mandat.
Un moteur économique important pour le Canada
Saviez-vous que plus de 85 % des Canadiens croient en l'importance de la nature et encouragent la protection des espèces menacées? Sur le plan économique, cela se traduit par plus de 20 millions de Canadiens qui dépensent annuellement des milliards de dollars en s'adonnant à des activités « nature » comme la promenade en montagne, le camping, la pêche, la chasse, la photographie, l'observation des oiseaux, la visite des jardins zoologiques ou des centres de la nature. De plus, des centaines de milliers de Canadiens tirent leur gagne-pain de la faune et de la flore. Même sur le plan touristique, le Canada attire de nombreux voyageurs pour la beauté de ses forêts, la splendeur de ses montagnes et la majesté de ses cours d'eau. Gardons un œil sur NOTRE nature et protégeons ces joyaux.
En fait, pourquoi ne pas protéger les animaux simplement parce qu'ils sont BEAUX? Un papillon qui se pose délicatement sur une fleur; une mésange qui picore des graines à votre mangeoire; les grenouilles qui chantent au printemps lors de la saison des amours; un orignal qui sort sous le brouillard près de votre site de camping... Même les espèces animales encore abondantes ont besoin de notre soutien. Si l'être humain ne passe pas à l'action pour garder notre planète « verte et bleue », des centaines d'espèces animales auront disparues d'ici 50 ans et d'autres actuellement abondantes mériteront le statut d'espèce menacée en 2050 : un sort peu enviable. Comme habitants de la Terre, nous devons prendre des mesures pour renverser cette tendance, car nous sommes les principaux responsables de ce désordre écologique. C'est donc à nous de veiller à ce qu'au cours des prochaines décennies, nos enfants et petits enfants puissent jouir comme nous des beautés de la nature.
© Association des Espèces menacées 2020. Tous droits réservés.
F I N .
Pourquoi sauvegarder des espèces menacées… Et puis après ?
Nous savons que, depuis l'apparition de la vie sur Terre, des espèces animales disparaissent et d'autres apparaissent continuellement sur la planète. C'est un phénomène naturel. Par contre, les espèces disparaissent à un rythme beaucoup plus rapide depuis une centaine d'années, à cause de facteurs humains tels la pollution, la surexploitation commerciale, le braconnage et la déforestation. Et puis? Est-ce vraiment si important de protéger tous les animaux de notre planète?
Certains philosophes et scientifiques nous répètent que « si nous ne sauvons pas les animaux, comment pourrons-nous nous sauver nous-mêmes? » Mieux connaître et comprendre les animaux, c'est aussi mieux se connaître soi-même. La volonté de protéger les animaux et la nature en général démontre la valeur d'une société. Et si nous voulons tendre vers le développement optimal de nos ressources, il faut y parvenir non seulement d'un point de vue économique ou social, mais aussi sur des fondements plus environnementaux. C'est la vision du développement durable, celle-là même qui nous dicte d'utiliser nos ressources naturelles sans excès, pour le bien des générations futures qui en souhaiteront aussi les bénéfices.
Mais encore, pourquoi s'acharner à protéger des serpents, des crocodiles, des requins, des araignées, ou encore des loups et des rapaces? Parce que peu importe qu'un animal soit répugnant, mal-aimé ou potentiellement dangereux, tous les animaux jouent un rôle dans la nature et ont droit à leur chance de survie. Nous serions surpris des services qu'ils peuvent nous rendre en retour.
Question d'équilibre
Dans la nature, tout est inter-relié. Malheureusement, nous nous imaginons souvent très mal toutes les répercussions liées à la disparition d'une seule population animale d'un coin de forêt, d'un marais ou d'une portion de rivière. Imaginez les conséquences d'une coupe forestière pour le développement d'un nouveau quartier d'habitations, ou du remblaiement d'un marais pour y faire passer une route. Imaginez qu'on déverse des polluants à l'embouchure d'une rivière. Que se passerait-il? Évidemment, les arbustes, les arbres, les plantes aquatiques et les algues seraient contaminés, mourraient ou disparaîtraient. Par la suite, les animaux herbivores, à court de ressources, devraient quitter ce territoire, faute de nourriture. À leur tour, les petits prédateurs n'auraient plus de proies à se mettre sous la dent; les plus gros prédateurs également. Et ainsi de suite... Il y aurait dérèglement et déséquilibre dans cette nature modifiée et remodelée par l'être humain. Et comme chaque animal joue un rôle précis dans la chaîne alimentaire et dans l'équilibre de la nature, tout basculerait. Pour illustrer le rôle de chacun dans l'environnement, prenons comme analogie une pyramide identique à celles d'Égypte. Chaque espèce animale est représentée par un bloc de pierre. Si on enlève un bloc à sa base, il ne se passe rien. La pyramide est suffisamment solide avec tous ses autres blocs. Mais si on enlève plusieurs blocs au hasard, elle se fragilise et, à un certain moment, le retrait d'un seul bloc est de trop et la fait s'écrouler. C'est identique avec la pyramide de la vie. Toutes les espèces ont leur importance pour maintenir cet équilibre fragile dans la nature, même si, au premier coup d'œil, leur rôle ne semble pas évident à comprendre.
Voici un exemple qui illustre bien la complexité des liens unissant les espèces animales. Aussi étrange que cela puisse paraître, l'épaulard affecte le régime alimentaire du pygargue à tête blanche en Alaska! Des chercheurs ont découvert que l'augmentation du nombre d'épaulards provoque une diminution du nombre de loutres de mer, l'une de leurs proies favorites. La loutre, pour sa part, mange des oursins. Alors, moins il y a de loutres, plus les oursins sont abondants. Les oursins, eux, consomment de grandes algues qui servent de cachettes aux poissons et aux invertébrés le long des rives. Donc, plus il y a d'oursins, moins il y a d'algues et... de cachettes! En conséquence, les poissons changent de secteur. En Alaska, les pygargues à tête blanche sont des rapaces consommant surtout des poissons qu'ils trouvent dans les zones peu profondes au bord de l'océan. Ainsi, sans poisson, ils doivent se tourner vers une nouvelle source de nourriture. C'est ainsi qu'on a découvert que le déclin des loutres de mer en Alaska, en raison de la prédation des épaulards, oblige les pygargues à changer de diète et à choisir les oiseaux marins comme proie. Quel casse-tête!
La nature, source de vie
En observant la nature, l'être humain a inventé mille et une choses. Pensez à Léonard de Vinci qui dessinait des machines volantes en regardant le vol des chauves-souris. Sur le plan de la santé humaine, les animaux et les végétaux nous dictent souvent la voie à emprunter pour garder la forme. Prenons l'exemple des chimpanzés qui consomment différentes plantes en fonction des maux qu'ils contractent (troubles digestifs, crises de paludisme, parasites...). Ils ont appris quelles plantes soulageaient quels maux et selon quelles doses! Découvrirons-nous de nouveaux médicaments grâce aux chimpanzés? C'est ce que la vétérinaire Sabrina Krief soutient depuis qu'elle étudie le comportement de ces primates en Ouganda. L'être humain a donc avantage à sauvegarder ce singe et les quelques 190 espèces de primates peuplant les forêts tropicales d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud.
La nature peut être considérée comme une grande pharmacie. On y retrouve des milliers de composés essentiels à la survie de l'être humain. Le monde animal fait donc partie, en quelque sorte, de notre trousse de survie. Utilisée depuis le 19e siècle, la sangsue est maintenant employée en chirurgie pour les vertus de sa salive anticoagulante et anti-inflammatoire. Les éléments actifs du venin d'une vipère provenant du Brésil ont été synthétisés en un médicament contrôlant la pression sanguine. Le venin du scorpion sert à la recherche sur les tumeurs au cerveau. Les requins contribuent aux études sur la dégénérescence musculaire et certaines formes de cancer. Le miel des abeilles améliore la santé humaine en ciblant certains microbes dans notre organisme et en les attaquants. L'un des deux seuls lézards venimeux sur la Terre, le monstre de Gila, secréterait une substance dans son venin pouvant contribuer au traitement du diabète. Finalement, en étudiant une espèce de grenouille africaine, on s'en rendu compte qu'elle produisait une molécule prévenant les infections découlant de lésions corporelles. Les scientifiques s'intéressent à cette capacité des grenouilles dans leurs recherches sur le VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Imaginez le potentiel des 5,500 espèces de grenouille qui, pour la plupart, ne produisent pas toutes la même molécule! On pourrait trouver bien des remèdes à nos petits et gros bobos. Malheureusement, les amphibiens dépérissent rapidement à cause de la pollution, de la perte d'habitats et des changements climatiques. En 2008, les scientifiques déclaraient que plus du tiers des amphibiens sur la planète étaient gravement menacés.
Les plantes aussi jouent un rôle primordial pour notre santé. Sur les 150 médicaments les plus prescrits, une centaine d'entre eux proviennent de plantes. Plusieurs ingrédients actifs trouvés dans ces végétaux peuvent heureusement être synthétisés en laboratoire. C'est le cas de l'aspirine qui provient du saule. À l'opposé, la synthèse des molécules anticancéreuses contenues dans l'if du Canada est impossible. On doit donc procéder à la cueillette de l'arbuste si on veut en retirer des bénéfices. Certaines entreprises spécialisées ont ce mandat.
Un moteur économique important pour le Canada
Saviez-vous que plus de 85 % des Canadiens croient en l'importance de la nature et encouragent la protection des espèces menacées? Sur le plan économique, cela se traduit par plus de 20 millions de Canadiens qui dépensent annuellement des milliards de dollars en s'adonnant à des activités « nature » comme la promenade en montagne, le camping, la pêche, la chasse, la photographie, l'observation des oiseaux, la visite des jardins zoologiques ou des centres de la nature. De plus, des centaines de milliers de Canadiens tirent leur gagne-pain de la faune et de la flore. Même sur le plan touristique, le Canada attire de nombreux voyageurs pour la beauté de ses forêts, la splendeur de ses montagnes et la majesté de ses cours d'eau. Gardons un œil sur NOTRE nature et protégeons ces joyaux.
En fait, pourquoi ne pas protéger les animaux simplement parce qu'ils sont BEAUX? Un papillon qui se pose délicatement sur une fleur; une mésange qui picore des graines à votre mangeoire; les grenouilles qui chantent au printemps lors de la saison des amours; un orignal qui sort sous le brouillard près de votre site de camping... Même les espèces animales encore abondantes ont besoin de notre soutien. Si l'être humain ne passe pas à l'action pour garder notre planète « verte et bleue », des centaines d'espèces animales auront disparues d'ici 50 ans et d'autres actuellement abondantes mériteront le statut d'espèce menacée en 2050 : un sort peu enviable. Comme habitants de la Terre, nous devons prendre des mesures pour renverser cette tendance, car nous sommes les principaux responsables de ce désordre écologique. C'est donc à nous de veiller à ce qu'au cours des prochaines décennies, nos enfants et petits enfants puissent jouir comme nous des beautés de la nature.
© Association des Espèces menacées 2020. Tous droits réservés.
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