Post by Andrei Tchentchik on May 28, 2020 10:51:20 GMT 2
(#B.046).- Arsenal nucléaire mondial pour 2019.
Arsenal nucléaire mondial pour 2019.
JEAN-MARIE COLLIN
17 Juin 2019.
Jean-Marie Collin est depuis 2009 chercheur associé au Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP) et expert/porte-parole de ICAN France, relais national de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, prix Nobel de la Paix 2017. Il travaille sur les questions de défense et de sécurité internationale avec une expertise plus particulière sur les thématiques du contrôle des armements, de la dissuasion nucléaire, de la non-prolifération et du désarmement nucléaire, ce qui lui a permis de participer à l’ensemble du processus (2010/2017) dit de « l’initiative humanitaire » et de négociation du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires. Intervenant régulièrement dans différentes institutions nationales et internationales, il et est l'auteur de nombreux articles et livres dont La Bombe, l’Univers opaque du nucléaire (Ed Autrement, 2009) et dernièrement de L’illusion nucléaire : la face cachée de la bombe atomique (avec P. Quilès et M. Drain, mai 2018, éditions ELCM).
Le SIPRI - Institut international de recherche sur la paix de Stockholm – vient de publier le nouvel état de l’arsenal nucléaire mondial. Neuf puissances nucléaires détiennent environ 13 865 ogives nucléaires, dont 3 750 sont déployées et près de 2 000 sont maintenues en état d'alerte opérationnelle élevée ; soient prêtes à être utilisées !
Si l’on ne retient que le chiffre de "13 865", celui-ci est le chiffre le plus bas jamais atteint depuis 1959 (l’arsenal étant alors constitué de 13 424 ogives appartenant aux Etats-Unis avec 12 298, à la Russie avec 1048 et au Royaume-Uni avec 78 ogives). L’arsenal mondial est donc en diminution constante ces dernières années et ceci comme le souligne le SIPRI « principalement à cause des traités de désarmement bilatéraux américano-russe », aujourd’hui le New Start, qui prendra fin en 2021 (sauf prolongation jusqu’en 2026). En effet, l’année dernière (en 2018) l’arsenal mondial était à hauteur de 14 465, soit 600 ogives de moins, principalement en raison de ce New Start.
Mais remarquons que l’arsenal nucléaire britannique - actuellement à hauteur de 200 - est aussi en baisse et de manière constante, avec la diminution d’une quinzaine d’ogives ; faisant suite à une précédente diminution de 10 ogives en 2015.
La France reste au même niveau depuis 2011 avec un arsenal nucléaire de 300 armes. Il est nécessaire de remarquer que les éléments de langage politiques ont évolué ces dix dernières années sur la taille de cet arsenal :
• 21 mars 2008 (discours de Cherbourg), le président Sarkozy avait indiqué que cet arsenal serait de « moins de 300 » ogives à l’horizon 2011.
• 19 février 2015 (discours à Istres), le président Hollande avait indiqué que le volume de son stock d'armes, était « de 300 ».
• 14 mai 2019 (discours de la diplomate A. Delaroche, Conférence du désarmement), il semble que nous soyons arrivés à un compromis diplomatique, puisque désormais l’expression utilisée est : « l’arsenal français est constitué d’un plafond de 300 armes ».
Cette diminution de l'arsenal mondial doit cependant être très largement relativisée. En effet le SIPRI mentionne que les neuf États nucléaires sont lancés dans des programmes de modernisation et de renouvellement de leurs arsenaux. À ce titre, les parlementaires français ont voté en juillet 2018, avec la Loi de programmation militaire 2019/2025, une augmentation de 60% du budget « arme nucléaire » ; soit une somme totale de 37 milliards d’euros, assurant à l’horizon 2022/2025 un budget annuel compris entre 6 et 7 milliards d’euros. Pour 2019, ce budget est de 4,05 milliards d’euros…
Relevons également que ce mouvement est décrié par une vaste majorité des Etats de l’ONU, comme j’ai pu le constater en participant au dernier comité préparatoire (27 avril - 10 mai) de la conférence d’Examen du TNP de 2020. L’Ambassadeur Sud africain résuma bien la situation sur l’absence de volonté de parvenir à un véritable processus de désarmement nucléaire : « certains États parties ne peuvent pas fonctionner comme un petit gang », s’adressant ainsi aux États-Unis, à la Russie, au Royaume-Uni, à la France et à la Chine…
Réactions:
Comme porte-parole de ICAN France, je constate que « cette réalité décrite par le SIPRI renvoie à l’absence totale de respect par la France de ces obligations de désarmement acceptée à travers le Traité de non-prolifération nucléaire. Le fait que 93,33 % de l’arsenal français soit en état d’alerte, pose la question de la réalité d’une force de dissuasion nucléaire qui ne s’entend, selon le langage diplomatique, “que dans le cadre d’une stratégie défensive” ! Comme toujours nous sommes devant un double langage. »
Par ailleurs, P. Bouveret, également porte-parole de ICAN France remarque que « le constat dressé par le SIPRI reflète la décision du président Macron de dépenser 37 milliards d’euros sur la modernisation et le renouvellement de tous les systèmes d’armes nucléaires français. C’est donc 13,7 milliards de plus par rapport au président Hollande ou encore 16,75 milliards de plus par rapport au président Sarkozy ! Cette volonté de poursuivre une politique du siècle passé pose la question de savoir si l’actuel gouvernement veut vraiment assurer la sécurité de la vie des Français où subvenir uniquement aux carnets de commandes des industriels de la défense ? »
F I N .
Arsenal nucléaire mondial pour 2019.
JEAN-MARIE COLLIN
17 Juin 2019.
Jean-Marie Collin est depuis 2009 chercheur associé au Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP) et expert/porte-parole de ICAN France, relais national de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, prix Nobel de la Paix 2017. Il travaille sur les questions de défense et de sécurité internationale avec une expertise plus particulière sur les thématiques du contrôle des armements, de la dissuasion nucléaire, de la non-prolifération et du désarmement nucléaire, ce qui lui a permis de participer à l’ensemble du processus (2010/2017) dit de « l’initiative humanitaire » et de négociation du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires. Intervenant régulièrement dans différentes institutions nationales et internationales, il et est l'auteur de nombreux articles et livres dont La Bombe, l’Univers opaque du nucléaire (Ed Autrement, 2009) et dernièrement de L’illusion nucléaire : la face cachée de la bombe atomique (avec P. Quilès et M. Drain, mai 2018, éditions ELCM).
Le SIPRI - Institut international de recherche sur la paix de Stockholm – vient de publier le nouvel état de l’arsenal nucléaire mondial. Neuf puissances nucléaires détiennent environ 13 865 ogives nucléaires, dont 3 750 sont déployées et près de 2 000 sont maintenues en état d'alerte opérationnelle élevée ; soient prêtes à être utilisées !
Si l’on ne retient que le chiffre de "13 865", celui-ci est le chiffre le plus bas jamais atteint depuis 1959 (l’arsenal étant alors constitué de 13 424 ogives appartenant aux Etats-Unis avec 12 298, à la Russie avec 1048 et au Royaume-Uni avec 78 ogives). L’arsenal mondial est donc en diminution constante ces dernières années et ceci comme le souligne le SIPRI « principalement à cause des traités de désarmement bilatéraux américano-russe », aujourd’hui le New Start, qui prendra fin en 2021 (sauf prolongation jusqu’en 2026). En effet, l’année dernière (en 2018) l’arsenal mondial était à hauteur de 14 465, soit 600 ogives de moins, principalement en raison de ce New Start.
Mais remarquons que l’arsenal nucléaire britannique - actuellement à hauteur de 200 - est aussi en baisse et de manière constante, avec la diminution d’une quinzaine d’ogives ; faisant suite à une précédente diminution de 10 ogives en 2015.
La France reste au même niveau depuis 2011 avec un arsenal nucléaire de 300 armes. Il est nécessaire de remarquer que les éléments de langage politiques ont évolué ces dix dernières années sur la taille de cet arsenal :
• 21 mars 2008 (discours de Cherbourg), le président Sarkozy avait indiqué que cet arsenal serait de « moins de 300 » ogives à l’horizon 2011.
• 19 février 2015 (discours à Istres), le président Hollande avait indiqué que le volume de son stock d'armes, était « de 300 ».
• 14 mai 2019 (discours de la diplomate A. Delaroche, Conférence du désarmement), il semble que nous soyons arrivés à un compromis diplomatique, puisque désormais l’expression utilisée est : « l’arsenal français est constitué d’un plafond de 300 armes ».
Cette diminution de l'arsenal mondial doit cependant être très largement relativisée. En effet le SIPRI mentionne que les neuf États nucléaires sont lancés dans des programmes de modernisation et de renouvellement de leurs arsenaux. À ce titre, les parlementaires français ont voté en juillet 2018, avec la Loi de programmation militaire 2019/2025, une augmentation de 60% du budget « arme nucléaire » ; soit une somme totale de 37 milliards d’euros, assurant à l’horizon 2022/2025 un budget annuel compris entre 6 et 7 milliards d’euros. Pour 2019, ce budget est de 4,05 milliards d’euros…
Relevons également que ce mouvement est décrié par une vaste majorité des Etats de l’ONU, comme j’ai pu le constater en participant au dernier comité préparatoire (27 avril - 10 mai) de la conférence d’Examen du TNP de 2020. L’Ambassadeur Sud africain résuma bien la situation sur l’absence de volonté de parvenir à un véritable processus de désarmement nucléaire : « certains États parties ne peuvent pas fonctionner comme un petit gang », s’adressant ainsi aux États-Unis, à la Russie, au Royaume-Uni, à la France et à la Chine…
Réactions:
Comme porte-parole de ICAN France, je constate que « cette réalité décrite par le SIPRI renvoie à l’absence totale de respect par la France de ces obligations de désarmement acceptée à travers le Traité de non-prolifération nucléaire. Le fait que 93,33 % de l’arsenal français soit en état d’alerte, pose la question de la réalité d’une force de dissuasion nucléaire qui ne s’entend, selon le langage diplomatique, “que dans le cadre d’une stratégie défensive” ! Comme toujours nous sommes devant un double langage. »
Par ailleurs, P. Bouveret, également porte-parole de ICAN France remarque que « le constat dressé par le SIPRI reflète la décision du président Macron de dépenser 37 milliards d’euros sur la modernisation et le renouvellement de tous les systèmes d’armes nucléaires français. C’est donc 13,7 milliards de plus par rapport au président Hollande ou encore 16,75 milliards de plus par rapport au président Sarkozy ! Cette volonté de poursuivre une politique du siècle passé pose la question de savoir si l’actuel gouvernement veut vraiment assurer la sécurité de la vie des Français où subvenir uniquement aux carnets de commandes des industriels de la défense ? »
F I N .