Post by Andrei Tchentchik on Aug 25, 2020 15:39:56 GMT 2
(#492).- L'antimatière dans notre Galaxie ‘1’ Suite…
L'antimatière dans notre Galaxie ‘1’ Suite…
Richard Taillet
Enseignant Chercheur Physique.
Publié le 07/01/2005 – Modifié le 28/10/2015.
Archives
B - Les antiprotons et les antinoyaux
- Les rayons cosmiques
Distribution de l'hydrogène dans notre Galaxie
L'espace entre les étoiles n'est pas tout à fait vide. On y trouve du gaz (principalement de l'hydrogène) de faible densité, et aussi des particules de très grande énergie, qui constituent ce qu'on appelle les rayons cosmiques. La composition de ces rayons cosmiques est très riche, on y trouve des électrons et une grande variété de noyaux atomiques. Ils contiennent aussi une petite fraction d'antiparticules, essentiellement des antiprotons (1 antiproton pour 10 000 protons environ) ! Ils sont produits lors des chocs entre les particules des rayons cosmiques et les noyaux du gaz interstellaire (on appelle ces chocs des spallations), exactement de la même façon que les particules des rayons cosmiques peuvent créer des antiparticules quand elles viennent taper sur le gaz qui constitue l'atmosphère.
Zoom sur une onde de choc créée par l'interaction entre l'enveloppe en expansion d'une supernova et le gaz interstellaire au repos.
Le milieu interstellaire étant somme toute assez ténu, ces antiparticules cosmiques peuvent se propager assez longtemps dans la Galaxie sans rencontrer de matière, et parcourir plusieurs milliers d'années-lumière. Ceci explique qu'on en détecte au voisinage de la Terre ou en haut de l'atmosphère (par exemple par AMS et BESS, voir plus haut).
Cette composante d'antimatière est assez bien comprise. On connaît assez bien la distribution de gaz dans la Galaxie, on connaît aussi assez bien la distribution de rayons cosmiques dans la Galaxie, et enfin on connaît assez bien les réactions qui peuvent survenir lors des chocs. En collant ces trois morceaux, on peut calculer la quantité d'antiprotons qui devraient être présents dans les rayons cosmiques, et il se trouve que quand on fait la mesure, on trouve un résultat tout à fait compatible avec ce qu'on avait calculé.
Il faut noter aussi qu'en plus des antiprotons, les réactions de choc peuvent en principe créer des noyaux plus complexes, comme des antideutérons (antineutron+antiproton), des anti-noyaux d'hélium, des anti-noyaux de carbone, etc... Dans la pratique, la probabilité d'un tel événement décroît quand on va vers les noyaux plus lourds, et les seuls noyaux que ce processus de spallation produit en quantité appréciable (que l'on peut espérer détecter) sont les antiprotons et les antideutérons.
- Les anti-étoiles
Nous avons dit plus haut que la Terre et son environnement sont essentiellement constitués de matière... Qu'en sait-on au juste ? La lune est faite de matière aussi, sinon l'alunissage du premier module lunaire aurait donné lieu à un fantastique dégagement d'énergie, commençant par la vaporisation des astronautes... Le Soleil est fait de matière, ce sont des particules qui nous arrivent, transportées par le vent solaire, et pas des antiparticules... En fait, nous avons de fortes raisons de penser que les étoiles qui composent une Galaxie sont toutes faites du même type de matière. Si ce n'était pas le cas, il y aurait des réactions entre le vent stellaire émis par les anti-étoiles et le gaz interstellaire, et on détecterait le rayonnement issu de ces réactions. Pour la même raison, il est très vraisemblable que les galaxies d'un même amas soient faites du même type de matière. On peut appliquer cet argument pour tous les objets qui sont reliés à d'autres par du gaz.
Toutefois, il a été proposé que l'Univers contienne globalement autant de matière que d'antimatière (nous verrons plus loin que cela pourrait être envisagé dans certains scénarios cosmologiques). Il serait alors constitué de vastes amas de galaxies, et d'autres amas d'antigalaxies, qui seraient entièrement faites d'anti-étoiles...
A gauche, une étoile ; à droite une anti-étoile...
La lumière qui nous proviendrait de ces dernières serait exactement similaire à celle provenant des étoiles !
A quoi ressembleraient ces anti-étoiles ? Elles seraient très similaires aux étoiles et on ne pourrait pas les différencier des étoiles de par leur apparence. En effet, ce qu'on observe des étoiles, des galaxies, c'est la lumière qu'elles émettent. Des anti-étoiles émettraient des antiphotons... qui sont les mêmes particules que les photons ! Elles brilleraient donc de la même façon, et si la physique de l'antimatière est la même que la physique de la matière, comme les théories actuelles le laissent penser, mais aussi comme des expériences récentes essaient de le montrer (par exemple les expériences ATHENA et ATRAP mentionnées plus haut), alors on ne peut pas distinguer une anti-étoile d'une étoile simplement en les observant !
Une preuve très solide de l'existence d'anti-étoiles serait la détection d'anti-noyaux d'hélium, qui auraient été synthétisés par un processus similaire à celui qui crée des noyaux d'hélium dans les étoiles ordinaires, par fusion de l'antihydrogène, car on ne connait pas d'autre processus assez efficace pour créer de l'anti-hélium. Toutefois, l'espoir est mince, car il est vraisemblable que ces anti-étoiles, si elles existent, soient de toute façon trop éloignées de nous.
F I N .
L'antimatière dans notre Galaxie ‘1’ Suite…
Richard Taillet
Enseignant Chercheur Physique.
Publié le 07/01/2005 – Modifié le 28/10/2015.
Archives
B - Les antiprotons et les antinoyaux
- Les rayons cosmiques
Distribution de l'hydrogène dans notre Galaxie
L'espace entre les étoiles n'est pas tout à fait vide. On y trouve du gaz (principalement de l'hydrogène) de faible densité, et aussi des particules de très grande énergie, qui constituent ce qu'on appelle les rayons cosmiques. La composition de ces rayons cosmiques est très riche, on y trouve des électrons et une grande variété de noyaux atomiques. Ils contiennent aussi une petite fraction d'antiparticules, essentiellement des antiprotons (1 antiproton pour 10 000 protons environ) ! Ils sont produits lors des chocs entre les particules des rayons cosmiques et les noyaux du gaz interstellaire (on appelle ces chocs des spallations), exactement de la même façon que les particules des rayons cosmiques peuvent créer des antiparticules quand elles viennent taper sur le gaz qui constitue l'atmosphère.
Zoom sur une onde de choc créée par l'interaction entre l'enveloppe en expansion d'une supernova et le gaz interstellaire au repos.
Le milieu interstellaire étant somme toute assez ténu, ces antiparticules cosmiques peuvent se propager assez longtemps dans la Galaxie sans rencontrer de matière, et parcourir plusieurs milliers d'années-lumière. Ceci explique qu'on en détecte au voisinage de la Terre ou en haut de l'atmosphère (par exemple par AMS et BESS, voir plus haut).
Cette composante d'antimatière est assez bien comprise. On connaît assez bien la distribution de gaz dans la Galaxie, on connaît aussi assez bien la distribution de rayons cosmiques dans la Galaxie, et enfin on connaît assez bien les réactions qui peuvent survenir lors des chocs. En collant ces trois morceaux, on peut calculer la quantité d'antiprotons qui devraient être présents dans les rayons cosmiques, et il se trouve que quand on fait la mesure, on trouve un résultat tout à fait compatible avec ce qu'on avait calculé.
Il faut noter aussi qu'en plus des antiprotons, les réactions de choc peuvent en principe créer des noyaux plus complexes, comme des antideutérons (antineutron+antiproton), des anti-noyaux d'hélium, des anti-noyaux de carbone, etc... Dans la pratique, la probabilité d'un tel événement décroît quand on va vers les noyaux plus lourds, et les seuls noyaux que ce processus de spallation produit en quantité appréciable (que l'on peut espérer détecter) sont les antiprotons et les antideutérons.
- Les anti-étoiles
Nous avons dit plus haut que la Terre et son environnement sont essentiellement constitués de matière... Qu'en sait-on au juste ? La lune est faite de matière aussi, sinon l'alunissage du premier module lunaire aurait donné lieu à un fantastique dégagement d'énergie, commençant par la vaporisation des astronautes... Le Soleil est fait de matière, ce sont des particules qui nous arrivent, transportées par le vent solaire, et pas des antiparticules... En fait, nous avons de fortes raisons de penser que les étoiles qui composent une Galaxie sont toutes faites du même type de matière. Si ce n'était pas le cas, il y aurait des réactions entre le vent stellaire émis par les anti-étoiles et le gaz interstellaire, et on détecterait le rayonnement issu de ces réactions. Pour la même raison, il est très vraisemblable que les galaxies d'un même amas soient faites du même type de matière. On peut appliquer cet argument pour tous les objets qui sont reliés à d'autres par du gaz.
Toutefois, il a été proposé que l'Univers contienne globalement autant de matière que d'antimatière (nous verrons plus loin que cela pourrait être envisagé dans certains scénarios cosmologiques). Il serait alors constitué de vastes amas de galaxies, et d'autres amas d'antigalaxies, qui seraient entièrement faites d'anti-étoiles...
A gauche, une étoile ; à droite une anti-étoile...
La lumière qui nous proviendrait de ces dernières serait exactement similaire à celle provenant des étoiles !
A quoi ressembleraient ces anti-étoiles ? Elles seraient très similaires aux étoiles et on ne pourrait pas les différencier des étoiles de par leur apparence. En effet, ce qu'on observe des étoiles, des galaxies, c'est la lumière qu'elles émettent. Des anti-étoiles émettraient des antiphotons... qui sont les mêmes particules que les photons ! Elles brilleraient donc de la même façon, et si la physique de l'antimatière est la même que la physique de la matière, comme les théories actuelles le laissent penser, mais aussi comme des expériences récentes essaient de le montrer (par exemple les expériences ATHENA et ATRAP mentionnées plus haut), alors on ne peut pas distinguer une anti-étoile d'une étoile simplement en les observant !
Une preuve très solide de l'existence d'anti-étoiles serait la détection d'anti-noyaux d'hélium, qui auraient été synthétisés par un processus similaire à celui qui crée des noyaux d'hélium dans les étoiles ordinaires, par fusion de l'antihydrogène, car on ne connait pas d'autre processus assez efficace pour créer de l'anti-hélium. Toutefois, l'espoir est mince, car il est vraisemblable que ces anti-étoiles, si elles existent, soient de toute façon trop éloignées de nous.
F I N .