Post by Andrei Tchentchik on Sept 3, 2020 15:34:48 GMT 2
(#505).- 2 naines blanches fusionnent en une, sans exploser en supernova.
Deux naines blanches auraient fusionné en une seule sans exploser en supernova.
Laurent Sacco, Journaliste
Publié le 6 Mars, 2020.
WDJ0551 + 4135 est une naine blanche atypique de la Voie lactée. Tout semble indiquer qu'elle résulte de la fusion de deux naines blanches mais, d'ordinaire, cela produit une supernova de type SN Ia qui ne laisse plus aucun astre.
WDJ0551 + 4135 est une naine blanche de la Voie lactée distante d'environ 150 années-lumière du Soleil qui a été identifiée dans les données astrométriques de la mission Gaia. A priori, cette étoile n'est en rien aussi spectaculaire que Bételgeuse et pourtant une équipe internationale dirigée par des astronomes de l'Université de Warwick vient de lui consacrer un article conséquent dans la revue Nature Astronomy.
Sa masse n'a rien d'étonnant, environ 1,14 masse solaire, soit près du double de la masse moyenne des naines blanches dont la plupart sont relativement légères, environ 0,6 fois la masse de notre Soleil, mais c'est toujours en dessous de la fameuse masse limite -- découverte pour ces étoiles par le grand astrophysicien indien Subrahmanyan Chandrasekhar vers 1930 alors qu'il n'avait que 20 ans -- qui est d'environ 1,44 masse solaire.
Au-delà, ces naines blanches doivent s'effondrer sur elles-mêmes. Ainsi, lorsque de la matière s'ajoute sur une naine blanche et lui fait dépasser la masse de 1,44 masse solaire, elle se contracte à nouveau et des réactions thermonucléaires s'enclenchent, conduisant à une explosion soufflant la naine blanche : une supernova SN Ia.
VIDÉO :
Vie et mort des étoiles ordinaires, par Jean-Pierre Luminet…
Jean-Pierre Luminet parle de l'évolution des étoiles de type solaire, leur transformation en géantes rouges, puis en naines blanches. © ECP Productions
Ces astres sont les cadavres d'étoiles contenant initialement moins de 8 masses solaires et qui ont quitté la séquence principale lorsque leur carburant nucléaire s'est épuisé, après avoir synthétisé de l'hélium, du carbone et de l'oxygène notamment pour les plus massives.
Elles se contractent alors pour avoir une taille comparable à celle de la Terre et ne sont en équilibre avec leur propre force d'attraction gravitationnelle que grâce à la pression dite de dégénérescence des électrons de leur plasma ; ces derniers se comportent selon la fameuse statistique de Fermi-Dirac comme l'avait démontré en 1926 l'astronome et physicien britannique Ralph H. Fowler en utilisant la nouvelle statistique quantique, décrivant un gaz d'électrons, découverte par son ancien doctorant Paul Dirac.
Mais, revenons à WDJ0551 + 4135. Ce qui a troublé les astrophysiciens, c'est la composition de son atmosphère lorsqu'ils l'ont déterminée avec les instruments équipant le télescope William Herschel ou WHT (William Herschel Telescope) qui se trouve sur La Palma, une des îles Canaries. C'est un mélange d'hydrogène et de carbone alors que la théorie de la nucléosynthèse et de la structure stellaire nous dit que l'on devrait voir une couche externe d'hydrogène, parfois mélangée à de l'hélium, ou juste un mélange d'hélium et de carbone.
VIDÉO :
Artist’s impression of two white dwarf stars...
La vidéo de cet artiste montre la partie centrale de la nébuleuse planétaire Henize 2-428. Le noyau de cet objet unique est constitué de deux étoiles naines blanches, chacune ayant une masse un peu inférieure à celle du Soleil. Elles devraient se rapprocher lentement les unes des autres et fusionner dans environ 700 millions d'années. Cet évènement créera une supernova éblouissante de Type Ia et détruira les deux étoiles. © European Southern Observatory (ESO)
Il n'y a qu'une seule façon de résoudre l'énigme pour les chercheurs, c'est d'admettre que l'on est en présence d'une naine blanche résultant de la fusion de deux naines blanches de masse comparable. C'est théoriquement possible, notamment parce que deux naines blanches dans un système binaire vont perdre de l'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles, ce qui va faire diminuer la taille de leur orbite pour les faire entrer en collision mais on connait aussi des exemples de ce processus en cours comme l'indique le précédent article ci-dessous.
Une autre observation plaide pour ce scénario. On sait que les étoiles plus âgées gravitent autour de la Voie lactée plus rapidement que les plus jeunes, or l'âge déduit de la vitesse orbitale de WDJ0551 + 4135 est plus élevé que celui déduit de sa température qui permet d'estimer un âge à cause de la vitesse de refroidissement d'une naine blanche de masse donnée. Là encore, l'énigme se résout par une fusion de deux naines blanches.
Reste que généralement, les collisions de naines blanches se font avec des astres qui conduisent à une masse finale plus élevée que celle de Chandrasekhar et donc à une supernova. On connaissait déjà quelques cas similaires mais il est intéressant de continuer à estimer combien de couples de naines blanches donneront par fusion une nouvelle naine blanche et pas une SN Ia. Rappelons que les SN Ia sont utilisées pour étudier l’expansion accélérée du cosmos observable et donc l'énergie noire.
CE QU'IL FAUT RETENIR
• Les naines blanches sont des étoiles de masses comparables au Soleil mais de la taille de la Terre.
• WDJ0551 + 4135 est une naine blanche atypique de la Voie lactée.
• Tout semble indiquer qu'elle résulte de la fusion de deux naines blanches mais d'ordinaire, cela produit une supernova de type SN Ia qui ne laisse plus aucun astre.
• Les deux naines blanches, qui devaient former un système binaire, se sont probablement rapprochées jusqu'à la fusion en perdant de l'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles.
Archives :
Article de l'ESO publié le 13/02/2015
Deux naines blanches s'apprêtent à fusionner en une supernova.
Pour la première fois, on a pu observer le rapprochement d'étoiles qui fusionneront un jour en une supernova. Observées dans la nébuleuse planétaire Henize 2-428, ces naines blanches, étonnamment massives, spiralent l'une autour de l'autre et, dans 700 millions d'années, exploseront ensemble, devenant une supernova de type Ia.
L'équipe d'astronomes dirigée par Miguel Santander-García (de l'observatoire astronomique national à Alcalá de Henares, en Espagne et de l'institut des Sciences des matériaux de Madrid) a découvert un couple d'étoiles de type naine blanche voisines l'une de l'autre et dont la masse totale avoisine 1,8 fois celle du Soleil. Il s'agit de la paire d'étoiles la plus massive découverte à ce jour (la masse maximum étant déterminée par la limite de Chandrasekar), dont la fusion prochaine se traduira par une explosion thermonucléaire non contrôlée, se manifestant en supernova de type Ia.
L'équipe à l'origine de cette découverte tentait de résoudre une énigme bien différente. Elle essayait en effet de comprendre le processus de création, par des étoiles âgées, de nébuleuses planétaires aux formes étranges et asymétriques comme Henize 2-428, leur sujet de recherche.
« Lorsque nous avons observé l'étoile centrale de cet objet au moyen du Très Grand Télescope (VLT) de l'Eso, nous avons découvert non pas une, mais deux étoiles au cœur de ce nuage lumineux étrangement asymétrique », raconte Henri Boffin (Eso), l'un des auteurs de l'article publié dans la revue Nature.
Cette découverte accrédite l'hypothèse selon laquelle l'existence d'un système central d'étoiles doubles serait à l'origine des formes étranges qu'arborent certains de ces objets célestes. Toutefois, un résultat bien plus intéressant attendait les chercheurs.
Les deux naines blanches fusionneront en une supernova Ia
« D'autres observations, effectuées au moyen de télescopes installés aux îles Canaries, nous ont permis de déterminer les orbites des deux étoiles, confie Romano Corradi, autre auteur de l'étude et chercheur à l'institut d'Astrophysique des Canaries (Tenerife, IAC), et d'en déduire leurs masses respectives ainsi que la distance qui les sépare. Et là, grosse surprise ! »
Il leur est apparu que chacune des deux étoiles est dotée d'une masse légèrement inférieure à celle du Soleil et que leur période orbitale avoisine les quatre heures. Elles sont si proches l'une de l'autre qu'en vertu de la théorie de la relativité générale d'Einstein, elles continueront de se rapprocher, en spiralant sous l'effet de l'émission d'ondes gravitationnelles puis fusionneront en une seule et même entité d'ici quelque 700 millions d'années.
L'étoile résultante sera si massive que rien ne pourra s'opposer à son effondrement gravitationnel ni, par la suite, à son explosion, sous la forme d'une supernova. « Jusqu'à présent, la formation d'une supernova de type Ia consécutive à la fusion de deux naines blanches constituait un scénario purement théorique, explique David Jones, coauteur des recherches et boursier de l'Eso lors de l'obtention de ces données. La paire d'étoiles située au cœur de Henize 2-428 constitue bel et bien une réalité ! »
« Ce système est pour le moins énigmatique, conclut Santander. Sa découverte aura des répercussions importantes sur l'étude des supernovae de type Ia, largement utilisées à des fins de mesure des distances astronomiques, et intimement liées à la découverte de l'accélération de l'expansion de l'Univers sous l'effet de l'énergie noire. »
F I N .
Deux naines blanches auraient fusionné en une seule sans exploser en supernova.
Laurent Sacco, Journaliste
Publié le 6 Mars, 2020.
WDJ0551 + 4135 est une naine blanche atypique de la Voie lactée. Tout semble indiquer qu'elle résulte de la fusion de deux naines blanches mais, d'ordinaire, cela produit une supernova de type SN Ia qui ne laisse plus aucun astre.
WDJ0551 + 4135 est une naine blanche de la Voie lactée distante d'environ 150 années-lumière du Soleil qui a été identifiée dans les données astrométriques de la mission Gaia. A priori, cette étoile n'est en rien aussi spectaculaire que Bételgeuse et pourtant une équipe internationale dirigée par des astronomes de l'Université de Warwick vient de lui consacrer un article conséquent dans la revue Nature Astronomy.
Sa masse n'a rien d'étonnant, environ 1,14 masse solaire, soit près du double de la masse moyenne des naines blanches dont la plupart sont relativement légères, environ 0,6 fois la masse de notre Soleil, mais c'est toujours en dessous de la fameuse masse limite -- découverte pour ces étoiles par le grand astrophysicien indien Subrahmanyan Chandrasekhar vers 1930 alors qu'il n'avait que 20 ans -- qui est d'environ 1,44 masse solaire.
Au-delà, ces naines blanches doivent s'effondrer sur elles-mêmes. Ainsi, lorsque de la matière s'ajoute sur une naine blanche et lui fait dépasser la masse de 1,44 masse solaire, elle se contracte à nouveau et des réactions thermonucléaires s'enclenchent, conduisant à une explosion soufflant la naine blanche : une supernova SN Ia.
VIDÉO :
Vie et mort des étoiles ordinaires, par Jean-Pierre Luminet…
Jean-Pierre Luminet parle de l'évolution des étoiles de type solaire, leur transformation en géantes rouges, puis en naines blanches. © ECP Productions
Ces astres sont les cadavres d'étoiles contenant initialement moins de 8 masses solaires et qui ont quitté la séquence principale lorsque leur carburant nucléaire s'est épuisé, après avoir synthétisé de l'hélium, du carbone et de l'oxygène notamment pour les plus massives.
Elles se contractent alors pour avoir une taille comparable à celle de la Terre et ne sont en équilibre avec leur propre force d'attraction gravitationnelle que grâce à la pression dite de dégénérescence des électrons de leur plasma ; ces derniers se comportent selon la fameuse statistique de Fermi-Dirac comme l'avait démontré en 1926 l'astronome et physicien britannique Ralph H. Fowler en utilisant la nouvelle statistique quantique, décrivant un gaz d'électrons, découverte par son ancien doctorant Paul Dirac.
Mais, revenons à WDJ0551 + 4135. Ce qui a troublé les astrophysiciens, c'est la composition de son atmosphère lorsqu'ils l'ont déterminée avec les instruments équipant le télescope William Herschel ou WHT (William Herschel Telescope) qui se trouve sur La Palma, une des îles Canaries. C'est un mélange d'hydrogène et de carbone alors que la théorie de la nucléosynthèse et de la structure stellaire nous dit que l'on devrait voir une couche externe d'hydrogène, parfois mélangée à de l'hélium, ou juste un mélange d'hélium et de carbone.
VIDÉO :
Artist’s impression of two white dwarf stars...
La vidéo de cet artiste montre la partie centrale de la nébuleuse planétaire Henize 2-428. Le noyau de cet objet unique est constitué de deux étoiles naines blanches, chacune ayant une masse un peu inférieure à celle du Soleil. Elles devraient se rapprocher lentement les unes des autres et fusionner dans environ 700 millions d'années. Cet évènement créera une supernova éblouissante de Type Ia et détruira les deux étoiles. © European Southern Observatory (ESO)
Il n'y a qu'une seule façon de résoudre l'énigme pour les chercheurs, c'est d'admettre que l'on est en présence d'une naine blanche résultant de la fusion de deux naines blanches de masse comparable. C'est théoriquement possible, notamment parce que deux naines blanches dans un système binaire vont perdre de l'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles, ce qui va faire diminuer la taille de leur orbite pour les faire entrer en collision mais on connait aussi des exemples de ce processus en cours comme l'indique le précédent article ci-dessous.
Une autre observation plaide pour ce scénario. On sait que les étoiles plus âgées gravitent autour de la Voie lactée plus rapidement que les plus jeunes, or l'âge déduit de la vitesse orbitale de WDJ0551 + 4135 est plus élevé que celui déduit de sa température qui permet d'estimer un âge à cause de la vitesse de refroidissement d'une naine blanche de masse donnée. Là encore, l'énigme se résout par une fusion de deux naines blanches.
Reste que généralement, les collisions de naines blanches se font avec des astres qui conduisent à une masse finale plus élevée que celle de Chandrasekhar et donc à une supernova. On connaissait déjà quelques cas similaires mais il est intéressant de continuer à estimer combien de couples de naines blanches donneront par fusion une nouvelle naine blanche et pas une SN Ia. Rappelons que les SN Ia sont utilisées pour étudier l’expansion accélérée du cosmos observable et donc l'énergie noire.
CE QU'IL FAUT RETENIR
• Les naines blanches sont des étoiles de masses comparables au Soleil mais de la taille de la Terre.
• WDJ0551 + 4135 est une naine blanche atypique de la Voie lactée.
• Tout semble indiquer qu'elle résulte de la fusion de deux naines blanches mais d'ordinaire, cela produit une supernova de type SN Ia qui ne laisse plus aucun astre.
• Les deux naines blanches, qui devaient former un système binaire, se sont probablement rapprochées jusqu'à la fusion en perdant de l'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles.
Archives :
Article de l'ESO publié le 13/02/2015
Deux naines blanches s'apprêtent à fusionner en une supernova.
Pour la première fois, on a pu observer le rapprochement d'étoiles qui fusionneront un jour en une supernova. Observées dans la nébuleuse planétaire Henize 2-428, ces naines blanches, étonnamment massives, spiralent l'une autour de l'autre et, dans 700 millions d'années, exploseront ensemble, devenant une supernova de type Ia.
L'équipe d'astronomes dirigée par Miguel Santander-García (de l'observatoire astronomique national à Alcalá de Henares, en Espagne et de l'institut des Sciences des matériaux de Madrid) a découvert un couple d'étoiles de type naine blanche voisines l'une de l'autre et dont la masse totale avoisine 1,8 fois celle du Soleil. Il s'agit de la paire d'étoiles la plus massive découverte à ce jour (la masse maximum étant déterminée par la limite de Chandrasekar), dont la fusion prochaine se traduira par une explosion thermonucléaire non contrôlée, se manifestant en supernova de type Ia.
L'équipe à l'origine de cette découverte tentait de résoudre une énigme bien différente. Elle essayait en effet de comprendre le processus de création, par des étoiles âgées, de nébuleuses planétaires aux formes étranges et asymétriques comme Henize 2-428, leur sujet de recherche.
« Lorsque nous avons observé l'étoile centrale de cet objet au moyen du Très Grand Télescope (VLT) de l'Eso, nous avons découvert non pas une, mais deux étoiles au cœur de ce nuage lumineux étrangement asymétrique », raconte Henri Boffin (Eso), l'un des auteurs de l'article publié dans la revue Nature.
Cette découverte accrédite l'hypothèse selon laquelle l'existence d'un système central d'étoiles doubles serait à l'origine des formes étranges qu'arborent certains de ces objets célestes. Toutefois, un résultat bien plus intéressant attendait les chercheurs.
Les deux naines blanches fusionneront en une supernova Ia
« D'autres observations, effectuées au moyen de télescopes installés aux îles Canaries, nous ont permis de déterminer les orbites des deux étoiles, confie Romano Corradi, autre auteur de l'étude et chercheur à l'institut d'Astrophysique des Canaries (Tenerife, IAC), et d'en déduire leurs masses respectives ainsi que la distance qui les sépare. Et là, grosse surprise ! »
Il leur est apparu que chacune des deux étoiles est dotée d'une masse légèrement inférieure à celle du Soleil et que leur période orbitale avoisine les quatre heures. Elles sont si proches l'une de l'autre qu'en vertu de la théorie de la relativité générale d'Einstein, elles continueront de se rapprocher, en spiralant sous l'effet de l'émission d'ondes gravitationnelles puis fusionneront en une seule et même entité d'ici quelque 700 millions d'années.
L'étoile résultante sera si massive que rien ne pourra s'opposer à son effondrement gravitationnel ni, par la suite, à son explosion, sous la forme d'une supernova. « Jusqu'à présent, la formation d'une supernova de type Ia consécutive à la fusion de deux naines blanches constituait un scénario purement théorique, explique David Jones, coauteur des recherches et boursier de l'Eso lors de l'obtention de ces données. La paire d'étoiles située au cœur de Henize 2-428 constitue bel et bien une réalité ! »
« Ce système est pour le moins énigmatique, conclut Santander. Sa découverte aura des répercussions importantes sur l'étude des supernovae de type Ia, largement utilisées à des fins de mesure des distances astronomiques, et intimement liées à la découverte de l'accélération de l'expansion de l'Univers sous l'effet de l'énergie noire. »
F I N .