Post by Andrei Tchentchik on Jun 26, 2019 18:40:42 GMT 2
(#228).- Découverte du plus ancien trou noir de l’Univers, formidable colosse.
Découverte du plus ancien trou noir de l’Univers, un formidable colosse.
Par Tristan Vey & Cyrille Vanlerberghe – Mis à jour le 08/12/2017 à 13:53
Vue d'artiste d'un trou noir hypermassif accrétant de la matière. Robin Dienel/Carnegie Institution for Science.
L'existence même de ce mastodonte, 800 millions de fois la masse de notre Soleil, aussi tôt dans l'histoire de l'univers, est une énigme pour les astronomes.
Il est aussi gros que distant, et c'est une vraie surprise. Un trou noir hypermassif, de 800 millions de fois la masse de notre Soleil, dont la lumière a mis 13 milliards d'années pour parvenir jusqu'à nous, par une équipe internationale de chercheurs (travaux publiés dans Nature et The Astrophyscial Journal Letters). C'est un record de distance absolu pour un objet de ce type (le précédent record datait de 2011), mais aussi un record de poids pour un astre aussi lointain. «Il est au moins dix fois plus gros que le précédent trou noir supermassif détecté à ce type de distance», précise Bram Venemans, l'astronome de l'Institut Max Planck d'Astronomie situé à Heidelberg, en Allemagne, qui coordonne avec son collègue Fabian Walter la recherche de ce type d'objets dans les confins de l'univers visible depuis plusieurs années.
La découverte proprement dite est quant à elle à mettre au crédit des télescopes Magellan de l'observatoire de Las Campanas, au Chili, après une recherche systématique réalisée sur un très grand nombre d'étoiles avec le télescope spatial WISE de la Nasa. Le trou noir a ensuite fait l'objet de campagnes d'observation approfondies avec les réseaux de radiotélescopes VLA (Nouveau-Mexique) et NOEMA de l'Iram, situé dans les Alpes françaises. Ces derniers ont notamment réussi à détecter la galaxie au sein de laquelle se cachait le mastodonte.
Ce dernier a été trahi par le repas gargantuesque qu'il est en train de dévorer. Un disque de matière s'effondre en effet en spirale dans la gueule de l'ogre cosmique. Or en tombant, cette matière s'échauffe et émet un rayonnement très intense, 40 mille milliards de fois plus lumineux que notre Soleil. Ce type de trou noir surpris en pleines agapes a un nom: c'est ce qu'on appelle un quasar. Ce sont parmi les objets les plus lumineux de l'univers. Il en existerait plusieurs dizaines à découvrir à de telles distances, d'après certaines estimations. Les satellites spatiaux européen Euclide et américain WFIRST en feront leur pain quotidien. Le futur successeur de Hubble, le James Webb Space Telescope (JWST), aussi.
La lumière émise par ce trou noir hypermassif a mis tellement de temps à nous parvenir (plus de 13 milliards d'années) que nous l‘observons tel qu'il était à une époque très reculée. En l'occurrence, 690 millions d'années seulement après le Big Bang, soit moins de 5% de l'âge de l'univers. Sa prime enfance en quelque sorte. «Nous avons été surpris de voir que le trou noir était aussi lourd», reconnaît Bram Venemans. «C'était vraiment inattendu et cela va nous donner des contraintes sur l'évolution de ce type d'objets dans un univers aussi jeune.»
Un embryon vorace de mille masses solaires ?
Patrick Petitjean, astronome à l'Institut d'Astrophysique de Paris et spécialiste des quasars, explique qu'il faudrait un trou noir primordial d'un millier de masses solaires pour former un tel mastodonte dans le délai imparti par son jeune âge. Or on ne sait pas bien comment pourraient se former de tels objets dans l'univers actuel. Les trous noirs stellaires , qui se forment par l'effondrement d'étoiles massives en fin de vie ne pèsent tout au plus que quelques dizaines de masses solaires. «En ces temps très anciens, l'univers était plus dense», rappelle le chercheur. «D'énormes nuages de gaz s'effondraient peut-être d'un coup pour former directement ces gros trous noirs de quelques milliers de masses solaires.»
Ces «gros embryons» très voraces auraient alors happé les grandes quantités de matière environnante en un délai relativement court sur les échelles astronomiques pour devenir ces astres aussi obèses que gloutons. Mais ce scénario, aussi plausible soit-il, est encore loin d'être certain. C'est toute une histoire passionnante de la jeunesse de l'univers qui reste à écrire.
Une galaxie hôte riche en éléments lourds
L'interféromètre NOEMA sur le plateau de Bure, dans les Alpes françaises. DiVertiCimes/DiVertiCimes.
Un mystère n'arrivant jamais seul, les observations de la galaxie-hôte au cœur de laquelle sévit ce lointain quasar ont surpris les astronomes. Ils y ont découvert des quantités considérables de poussières et de carbone, un élément considéré comme «lourd» en astronomie, c'est-à-dire plus complexe que l'hydrogène ou l'hélium formés au moment du Big Bang. «Les poussières aussi sont nécessairement formées d'éléments lourds», appuie Jan Martin Winters, astronome à l'Iram qui a réalisé ces observations à l'aide du réseau de radiotélescopes NOEMA situé sur le plateau de Bure.
Or, d'après nos connaissances, seules les explosions d'étoiles permettent de former ce type de composants. «En ces temps très reculés, plusieurs générations d'étoiles ont déjà dû se succéder», explique Jan Martin Winters. «Elles devaient néanmoins être très nombreuses, très massives et exploser au bout de quelques millions d'années seulement pour expliquer les gigantesques quantités de carbone et de poussières que nous détectons.» Une contrainte très importante à prendre en compte dans les futurs modèles d'évolution de notre univers.
F I N .
Découverte du plus ancien trou noir de l’Univers, un formidable colosse.
Par Tristan Vey & Cyrille Vanlerberghe – Mis à jour le 08/12/2017 à 13:53
Vue d'artiste d'un trou noir hypermassif accrétant de la matière. Robin Dienel/Carnegie Institution for Science.
L'existence même de ce mastodonte, 800 millions de fois la masse de notre Soleil, aussi tôt dans l'histoire de l'univers, est une énigme pour les astronomes.
Il est aussi gros que distant, et c'est une vraie surprise. Un trou noir hypermassif, de 800 millions de fois la masse de notre Soleil, dont la lumière a mis 13 milliards d'années pour parvenir jusqu'à nous, par une équipe internationale de chercheurs (travaux publiés dans Nature et The Astrophyscial Journal Letters). C'est un record de distance absolu pour un objet de ce type (le précédent record datait de 2011), mais aussi un record de poids pour un astre aussi lointain. «Il est au moins dix fois plus gros que le précédent trou noir supermassif détecté à ce type de distance», précise Bram Venemans, l'astronome de l'Institut Max Planck d'Astronomie situé à Heidelberg, en Allemagne, qui coordonne avec son collègue Fabian Walter la recherche de ce type d'objets dans les confins de l'univers visible depuis plusieurs années.
La découverte proprement dite est quant à elle à mettre au crédit des télescopes Magellan de l'observatoire de Las Campanas, au Chili, après une recherche systématique réalisée sur un très grand nombre d'étoiles avec le télescope spatial WISE de la Nasa. Le trou noir a ensuite fait l'objet de campagnes d'observation approfondies avec les réseaux de radiotélescopes VLA (Nouveau-Mexique) et NOEMA de l'Iram, situé dans les Alpes françaises. Ces derniers ont notamment réussi à détecter la galaxie au sein de laquelle se cachait le mastodonte.
Ce dernier a été trahi par le repas gargantuesque qu'il est en train de dévorer. Un disque de matière s'effondre en effet en spirale dans la gueule de l'ogre cosmique. Or en tombant, cette matière s'échauffe et émet un rayonnement très intense, 40 mille milliards de fois plus lumineux que notre Soleil. Ce type de trou noir surpris en pleines agapes a un nom: c'est ce qu'on appelle un quasar. Ce sont parmi les objets les plus lumineux de l'univers. Il en existerait plusieurs dizaines à découvrir à de telles distances, d'après certaines estimations. Les satellites spatiaux européen Euclide et américain WFIRST en feront leur pain quotidien. Le futur successeur de Hubble, le James Webb Space Telescope (JWST), aussi.
La lumière émise par ce trou noir hypermassif a mis tellement de temps à nous parvenir (plus de 13 milliards d'années) que nous l‘observons tel qu'il était à une époque très reculée. En l'occurrence, 690 millions d'années seulement après le Big Bang, soit moins de 5% de l'âge de l'univers. Sa prime enfance en quelque sorte. «Nous avons été surpris de voir que le trou noir était aussi lourd», reconnaît Bram Venemans. «C'était vraiment inattendu et cela va nous donner des contraintes sur l'évolution de ce type d'objets dans un univers aussi jeune.»
Un embryon vorace de mille masses solaires ?
Patrick Petitjean, astronome à l'Institut d'Astrophysique de Paris et spécialiste des quasars, explique qu'il faudrait un trou noir primordial d'un millier de masses solaires pour former un tel mastodonte dans le délai imparti par son jeune âge. Or on ne sait pas bien comment pourraient se former de tels objets dans l'univers actuel. Les trous noirs stellaires , qui se forment par l'effondrement d'étoiles massives en fin de vie ne pèsent tout au plus que quelques dizaines de masses solaires. «En ces temps très anciens, l'univers était plus dense», rappelle le chercheur. «D'énormes nuages de gaz s'effondraient peut-être d'un coup pour former directement ces gros trous noirs de quelques milliers de masses solaires.»
Ces «gros embryons» très voraces auraient alors happé les grandes quantités de matière environnante en un délai relativement court sur les échelles astronomiques pour devenir ces astres aussi obèses que gloutons. Mais ce scénario, aussi plausible soit-il, est encore loin d'être certain. C'est toute une histoire passionnante de la jeunesse de l'univers qui reste à écrire.
Une galaxie hôte riche en éléments lourds
L'interféromètre NOEMA sur le plateau de Bure, dans les Alpes françaises. DiVertiCimes/DiVertiCimes.
Un mystère n'arrivant jamais seul, les observations de la galaxie-hôte au cœur de laquelle sévit ce lointain quasar ont surpris les astronomes. Ils y ont découvert des quantités considérables de poussières et de carbone, un élément considéré comme «lourd» en astronomie, c'est-à-dire plus complexe que l'hydrogène ou l'hélium formés au moment du Big Bang. «Les poussières aussi sont nécessairement formées d'éléments lourds», appuie Jan Martin Winters, astronome à l'Iram qui a réalisé ces observations à l'aide du réseau de radiotélescopes NOEMA situé sur le plateau de Bure.
Or, d'après nos connaissances, seules les explosions d'étoiles permettent de former ce type de composants. «En ces temps très reculés, plusieurs générations d'étoiles ont déjà dû se succéder», explique Jan Martin Winters. «Elles devaient néanmoins être très nombreuses, très massives et exploser au bout de quelques millions d'années seulement pour expliquer les gigantesques quantités de carbone et de poussières que nous détectons.» Une contrainte très importante à prendre en compte dans les futurs modèles d'évolution de notre univers.
F I N .