Post by Andrei Tchentchik on Jun 26, 2019 18:46:51 GMT 2
(#229).- Le gargantuesque trou noir central de la Galaxie se dévoile peu à peu.
Le gargantuesque trou noir central de la Galaxie se dévoile peu à peu.
Par Tristan Vey – Mis à jour le 24/01/2019 à 11:11
Simulation des émissions radio autour du trou noir central de la galaxie. European Southern Observatory/Bronzwaer/Davelaar/Moscibrodzka/Falcke/Radboud University.
Une première image de l'environnement immédiat du trou noir supermassif qui se niche au cœur de la Voie lactée vient d'être publiée. Elle pourrait précéder un premier «portrait» de trou noir, attendu dans les mois à venir.
Les astronomes n'ont jamais été aussi près de «voir» le trou noir central supermassif qui se niche au cœur de notre galaxie. Cet objet étrange résulte d'une concentration extrême de matière, au moins quatre millions de fois la masse de notre Soleil, dans un volume minuscule. Une telle densité provoque un puits gravitationnel dont aucun objet ne peut s'échapper lorsqu'il s'en approche de trop près, pas même la lumière. Cette frontière délimite ainsi une sphère d'un noir absolu à l'intérieur de laquelle nous ne savons pas exactement ce qui se passe. Pour être plus exact, les théories physiques classiques sont inopérantes pour décrire clairement ce qui pourrait s'y produire. La théorie de la relativité générale prévoit par exemple que la matière poursuit son effondrement jusqu'à se trouver concentrée en un point géométrique de densité infinie, ce qui n'a pas vraiment de sens.
Dans le cas du trou noir central de notre galaxie, baptisé SgrA*, le rayon de cette sphère d'influence parfaitement opaque devrait mesurer environ 20 fois celui de notre Soleil. Mais aucun télescope n'a encore réussi à l'observer. Il faut dire qu'observer une aussi petite boule noire située dans une région obscure à 25.000 années-lumière de nous n'a rien d'évident... Ce n'est d'ailleurs pas exactement ce que les astronomes cherchent à débusquer. Ils essayent plutôt de détecter les ondes radios émises par le plasma qui file à des vitesses astronomiques en s'enroulant autour du trou noir et espèrent y voir se dessiner les contours de la boule sombre dont nous parlions plus haut.
Les différents radiotélescopes mobilisés pour réaliser cette première image de l'environnement immédiat du trou noir central supermassif de notre galaxie. S. Issaoun, Radboud University/ D. Pesce, CfA.
Pour y parvenir, les astronomes doivent mettre en réseau des antennes dans le monde entier afin de «simuler» un gigantesque radiotélescope de la taille de la Terre. Il faut pour cela que les signaux reçus par chacune des antennes soient synchronisés de manière extrêmement fine, à l'aide d'horloges atomiques, mais aussi que l'on connaisse la position de chacun à une fraction de millimètre près... Pour prendre la mesure de la prouesse technique, cela nécessite de prendre en compte des paramètres aussi fins que la déformation du sol liée à la position de la Lune, ou la dérive des continents.
La tâche est complexe, mais pas impossible. Les premiers résultats de la collaboration internationale The Global Millimeter VLBI Array viennent d'ailleurs d'être publiés dans la revue The Astrophysical Journal. C'est une jeune thésarde, Sara Issaoun, de l'université Radbound de Nimègue, aux Pays-Bas, qui est le premier auteur de cet article qui dévoile la première image de l'environnement radio du trou noir central de notre galaxie. Celle-ci est fondée sur des observations réalisées en 2017, ce qui donne une idée de la complexité du traitement qui fut nécessaire pour aboutir à ce cliché.
En haut à gauche, une simulation des émissions radios autour du trou noir. En haut à droite, l'image que l'on aurait après dispersion de la lumière par le milieu interstellaire avec un télescope «parfait». En bas à droite, l'observation brute, puis en bas à gauche, corrigée de la dispersion :
Bronzwaer/Davelaar/Moscibrodzka/Falcke/Radboud University.
L'image obtenue ressemble à une simple tache de lumière diffuse, mais celle-ci n'est pas exempte d'informations. Pour commencer, elle ne présente aucun jet de matière. «C'est une grosse surprise», souligne Frédéric Gueth, directeur adjoint de l'Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM), dont deux antennes, en France et en Espagne, ont participé aux observations. Les trous noirs émettent en principe deux grands jets, perpendiculairement au plan dans lequel ils tournent sur eux-mêmes. «Cela peut vouloir dire deux choses: soit le trou noir est incliné vers nous de telle manière que nous soyons dans la direction de son axe de rotation, soit les jets sont très faibles, voir inexistants», avance Frédéric Gueth.
«Cela confirme les observations récentes que nous avons réalisées avec l'instrument Gravity installé sur le Very Large Telescope au Chili», précise Guy Perrin, astronome à l'Observatoire de Paris, penche pour la première option. «Nous ne voyons pas le trou noir central de face, mais par le pôle, avec une inclinaison de 20 à 30) seulement.»
Pour le moment, aucune trace du trou noir central proprement dit, mais cela ne surprend pas les chercheurs. «Nous observons à une certaine longueur d'onde (3 mm en l'occurrence, équivalente à une fréquence de 86 GHz, NDLR) qui est diffusée par le milieu interstellaire», souligne Frédéric Gueth. D'autres observations ont été effectuées à une longueur d'onde trois fois plus courte (c'est-à-dire une fréquence trois plus élevée) dans le cadre d'un projet similaire, l'Event Horizon Telescope, mais elles n'ont pas encore été publiées. Comme la résolution dépend de la longueur d'onde, ces images seront a priori trois fois mieux définies. Et ces ondes radios présentent également l'avantage d'être moins dispersées par le milieu interstellaire. Le premier portrait du trou noir central de la galaxie, très attendu, est peut-être proche.
F I N .
Le gargantuesque trou noir central de la Galaxie se dévoile peu à peu.
Par Tristan Vey – Mis à jour le 24/01/2019 à 11:11
Simulation des émissions radio autour du trou noir central de la galaxie. European Southern Observatory/Bronzwaer/Davelaar/Moscibrodzka/Falcke/Radboud University.
Une première image de l'environnement immédiat du trou noir supermassif qui se niche au cœur de la Voie lactée vient d'être publiée. Elle pourrait précéder un premier «portrait» de trou noir, attendu dans les mois à venir.
Les astronomes n'ont jamais été aussi près de «voir» le trou noir central supermassif qui se niche au cœur de notre galaxie. Cet objet étrange résulte d'une concentration extrême de matière, au moins quatre millions de fois la masse de notre Soleil, dans un volume minuscule. Une telle densité provoque un puits gravitationnel dont aucun objet ne peut s'échapper lorsqu'il s'en approche de trop près, pas même la lumière. Cette frontière délimite ainsi une sphère d'un noir absolu à l'intérieur de laquelle nous ne savons pas exactement ce qui se passe. Pour être plus exact, les théories physiques classiques sont inopérantes pour décrire clairement ce qui pourrait s'y produire. La théorie de la relativité générale prévoit par exemple que la matière poursuit son effondrement jusqu'à se trouver concentrée en un point géométrique de densité infinie, ce qui n'a pas vraiment de sens.
Dans le cas du trou noir central de notre galaxie, baptisé SgrA*, le rayon de cette sphère d'influence parfaitement opaque devrait mesurer environ 20 fois celui de notre Soleil. Mais aucun télescope n'a encore réussi à l'observer. Il faut dire qu'observer une aussi petite boule noire située dans une région obscure à 25.000 années-lumière de nous n'a rien d'évident... Ce n'est d'ailleurs pas exactement ce que les astronomes cherchent à débusquer. Ils essayent plutôt de détecter les ondes radios émises par le plasma qui file à des vitesses astronomiques en s'enroulant autour du trou noir et espèrent y voir se dessiner les contours de la boule sombre dont nous parlions plus haut.
Les différents radiotélescopes mobilisés pour réaliser cette première image de l'environnement immédiat du trou noir central supermassif de notre galaxie. S. Issaoun, Radboud University/ D. Pesce, CfA.
Pour y parvenir, les astronomes doivent mettre en réseau des antennes dans le monde entier afin de «simuler» un gigantesque radiotélescope de la taille de la Terre. Il faut pour cela que les signaux reçus par chacune des antennes soient synchronisés de manière extrêmement fine, à l'aide d'horloges atomiques, mais aussi que l'on connaisse la position de chacun à une fraction de millimètre près... Pour prendre la mesure de la prouesse technique, cela nécessite de prendre en compte des paramètres aussi fins que la déformation du sol liée à la position de la Lune, ou la dérive des continents.
La tâche est complexe, mais pas impossible. Les premiers résultats de la collaboration internationale The Global Millimeter VLBI Array viennent d'ailleurs d'être publiés dans la revue The Astrophysical Journal. C'est une jeune thésarde, Sara Issaoun, de l'université Radbound de Nimègue, aux Pays-Bas, qui est le premier auteur de cet article qui dévoile la première image de l'environnement radio du trou noir central de notre galaxie. Celle-ci est fondée sur des observations réalisées en 2017, ce qui donne une idée de la complexité du traitement qui fut nécessaire pour aboutir à ce cliché.
En haut à gauche, une simulation des émissions radios autour du trou noir. En haut à droite, l'image que l'on aurait après dispersion de la lumière par le milieu interstellaire avec un télescope «parfait». En bas à droite, l'observation brute, puis en bas à gauche, corrigée de la dispersion :
Bronzwaer/Davelaar/Moscibrodzka/Falcke/Radboud University.
L'image obtenue ressemble à une simple tache de lumière diffuse, mais celle-ci n'est pas exempte d'informations. Pour commencer, elle ne présente aucun jet de matière. «C'est une grosse surprise», souligne Frédéric Gueth, directeur adjoint de l'Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM), dont deux antennes, en France et en Espagne, ont participé aux observations. Les trous noirs émettent en principe deux grands jets, perpendiculairement au plan dans lequel ils tournent sur eux-mêmes. «Cela peut vouloir dire deux choses: soit le trou noir est incliné vers nous de telle manière que nous soyons dans la direction de son axe de rotation, soit les jets sont très faibles, voir inexistants», avance Frédéric Gueth.
«Cela confirme les observations récentes que nous avons réalisées avec l'instrument Gravity installé sur le Very Large Telescope au Chili», précise Guy Perrin, astronome à l'Observatoire de Paris, penche pour la première option. «Nous ne voyons pas le trou noir central de face, mais par le pôle, avec une inclinaison de 20 à 30) seulement.»
Pour le moment, aucune trace du trou noir central proprement dit, mais cela ne surprend pas les chercheurs. «Nous observons à une certaine longueur d'onde (3 mm en l'occurrence, équivalente à une fréquence de 86 GHz, NDLR) qui est diffusée par le milieu interstellaire», souligne Frédéric Gueth. D'autres observations ont été effectuées à une longueur d'onde trois fois plus courte (c'est-à-dire une fréquence trois plus élevée) dans le cadre d'un projet similaire, l'Event Horizon Telescope, mais elles n'ont pas encore été publiées. Comme la résolution dépend de la longueur d'onde, ces images seront a priori trois fois mieux définies. Et ces ondes radios présentent également l'avantage d'être moins dispersées par le milieu interstellaire. Le premier portrait du trou noir central de la galaxie, très attendu, est peut-être proche.
F I N .