Post by Andrei Tchentchik on Jun 26, 2019 18:48:41 GMT 2
(#230).- Qu’y a-t-il à l’intérieur d’un trou noir ?
Qu’y a-t-il à l’intérieur d’un trou noir ?
Par Tristan Vey – Mis à jour le 16/04/2019 à 10:58
Si l’existence des trous noirs ne fait plus aucun doute, cela ne veut pas dire pour autant que nous comprenons parfaitement ces objets. Ce qu’il se passe en leur cœur ne fait encore que l’objet de nombreuses spéculations.
La semaine dernière, des astronomes du monde entier, réunis au sein de la collaboration Event Horizon Telescope, ont dévoilé le premier portrait jamais réalisé d’un trou noir (baptisé depuis «Pōwehi». Une première historique sur laquelle nous sommes longuement revenus dans Le Figaro. Mais il est une question que beaucoup de lecteurs avertis se sont posés et à laquelle nous n’avions pas répondu: que trouve-t-on exactement à l’intérieur de ces étranges objets?
Voilà une interrogation d’autant plus légitime que... personne ne le sait vraiment. «Même du point de vue mathématique, on ne sait pas en détail ce qu’il se passe», prévient en préambule le physicien théoricien Thibaut Damour, professeur permanent à l’Institut des hautes études scientifiques (IHES). «Pour dire les choses autrement, nous ne savons toujours pas calculer ce qu’il y a à l’intérieur d’un trou noir.»
Commençons peut-être par rappeler de quoi nous parlons exactement. Lorsqu’Albert Einstein rend publique sa théorie de la relativité générale en 1915, un astrophysicien allemand, Karl Schwartzschild, s’amuse les semaines qui suivent à en résoudre les équations pendant le peu de temps libre que lui laisse son activité d’artilleur dans l’armée allemande sur le front russe.
Tissu spatio-temporel déchiré
Il se demande notamment s’il existe des objets dont l’attraction gravitationnelle serait si importante qu’aucun objet ne pourrait s’y soustraire, pas même les plus rapides de l’univers, les photons, ces grains de lumière. Il découvre alors que des masses suffisamment concentrées réunissent ces conditions, définissant une zone dont rien ne peut s’échapper pas même la lumière. Si nous étions juste à côté, nous ne verrions ainsi qu’une sphère d’un noir absolu. D’où ce nom de «trou noir».
Mais que se passe-t-il à l’intérieur de cette sphère? «Si l’on pouvait franchir l’horizon d’un trou noir, nous ne verrions probablement pas vraiment de changement en regardant derrière nous», rappelle Thibaut Damour. «Les photons traversent en effet sans peine cette frontière. Ce qu’ils ne peuvent pas faire, c’est en ressortir.»
Il est plus difficile d’imaginer ce que l’on verrait en plongeant son regard vers l’intérieur. En relativité générale, espace et temps sont les deux faces d’une même pièce. «Dans un trou noir, le tissu spatio-temporel est rompu», rappelle le physicien. «A priori, ce que l’on trouve à l’intérieur de l’horizon est un espace très grand mais dont la durée de vie est très limitée. Et le temps qu’il vous reste est proportionnel à la taille du trou noir.»
Un Big Bang inversé
S’il s’agit d’un trou noir supermassif, comme celui qui vient de faire l’objet de cette grande campagne d’observations, alors vous aurez un peu plus d’une journée avant que le temps ne s’arrête et que tous les atomes qui vous composent ne soient déchiquetés pour former une soupe de particules les plus élémentaires possibles. Si vous êtes dans un trou noir dont la masse est proche de celle de notre Soleil, vous n’aurez qu’un dix-millième de seconde devant vous (mais vous auriez de toute façon été déchirés par les forces de marée avant même de franchir l’horizon). «On peut alors voir le trou noir comme une sorte de Big Bang inversé, un «Big Crunch»», précise Thibaut Damour. «Au lieu de voir l’apparition du temps et la dilatation de l’espace, vous assistez à une contraction de l’espace et à la disparition du temps.»
Si un trou noir est une déchirure, celle-ci est-elle permanente? «On ne sait pas vraiment», poursuit le chercheur. «Stephen Hawking a montré qu’il était possible que les trous noirs s’évaporent en émettant un rayonnement très léger. S’ils perdent ainsi leur masse, ils pourraient donc disparaître. Cela prendrait beaucoup de temps, mais cela voudrait dire que le tissu spatio-temporel pourrait finalement cicatriser.» C’est une hypothèse. Certains pensent quant à eux que le trou noir pourrait «rebondir» après avoir atteint une concentration de masse limite en son cœur. D’autres encore pensent que la déchirure spatio-temporelle pourrait déboucher sur un nouvel univers. «Ces théories sont plus ou moins exotiques», précise Thibaut Damour. «La seule vérité, c’est que nous n’en savons rien à l’heure actuelle.»
F I N .
Qu’y a-t-il à l’intérieur d’un trou noir ?
Par Tristan Vey – Mis à jour le 16/04/2019 à 10:58
Si l’existence des trous noirs ne fait plus aucun doute, cela ne veut pas dire pour autant que nous comprenons parfaitement ces objets. Ce qu’il se passe en leur cœur ne fait encore que l’objet de nombreuses spéculations.
La semaine dernière, des astronomes du monde entier, réunis au sein de la collaboration Event Horizon Telescope, ont dévoilé le premier portrait jamais réalisé d’un trou noir (baptisé depuis «Pōwehi». Une première historique sur laquelle nous sommes longuement revenus dans Le Figaro. Mais il est une question que beaucoup de lecteurs avertis se sont posés et à laquelle nous n’avions pas répondu: que trouve-t-on exactement à l’intérieur de ces étranges objets?
Voilà une interrogation d’autant plus légitime que... personne ne le sait vraiment. «Même du point de vue mathématique, on ne sait pas en détail ce qu’il se passe», prévient en préambule le physicien théoricien Thibaut Damour, professeur permanent à l’Institut des hautes études scientifiques (IHES). «Pour dire les choses autrement, nous ne savons toujours pas calculer ce qu’il y a à l’intérieur d’un trou noir.»
Commençons peut-être par rappeler de quoi nous parlons exactement. Lorsqu’Albert Einstein rend publique sa théorie de la relativité générale en 1915, un astrophysicien allemand, Karl Schwartzschild, s’amuse les semaines qui suivent à en résoudre les équations pendant le peu de temps libre que lui laisse son activité d’artilleur dans l’armée allemande sur le front russe.
Tissu spatio-temporel déchiré
Il se demande notamment s’il existe des objets dont l’attraction gravitationnelle serait si importante qu’aucun objet ne pourrait s’y soustraire, pas même les plus rapides de l’univers, les photons, ces grains de lumière. Il découvre alors que des masses suffisamment concentrées réunissent ces conditions, définissant une zone dont rien ne peut s’échapper pas même la lumière. Si nous étions juste à côté, nous ne verrions ainsi qu’une sphère d’un noir absolu. D’où ce nom de «trou noir».
Mais que se passe-t-il à l’intérieur de cette sphère? «Si l’on pouvait franchir l’horizon d’un trou noir, nous ne verrions probablement pas vraiment de changement en regardant derrière nous», rappelle Thibaut Damour. «Les photons traversent en effet sans peine cette frontière. Ce qu’ils ne peuvent pas faire, c’est en ressortir.»
Il est plus difficile d’imaginer ce que l’on verrait en plongeant son regard vers l’intérieur. En relativité générale, espace et temps sont les deux faces d’une même pièce. «Dans un trou noir, le tissu spatio-temporel est rompu», rappelle le physicien. «A priori, ce que l’on trouve à l’intérieur de l’horizon est un espace très grand mais dont la durée de vie est très limitée. Et le temps qu’il vous reste est proportionnel à la taille du trou noir.»
Un Big Bang inversé
S’il s’agit d’un trou noir supermassif, comme celui qui vient de faire l’objet de cette grande campagne d’observations, alors vous aurez un peu plus d’une journée avant que le temps ne s’arrête et que tous les atomes qui vous composent ne soient déchiquetés pour former une soupe de particules les plus élémentaires possibles. Si vous êtes dans un trou noir dont la masse est proche de celle de notre Soleil, vous n’aurez qu’un dix-millième de seconde devant vous (mais vous auriez de toute façon été déchirés par les forces de marée avant même de franchir l’horizon). «On peut alors voir le trou noir comme une sorte de Big Bang inversé, un «Big Crunch»», précise Thibaut Damour. «Au lieu de voir l’apparition du temps et la dilatation de l’espace, vous assistez à une contraction de l’espace et à la disparition du temps.»
Si un trou noir est une déchirure, celle-ci est-elle permanente? «On ne sait pas vraiment», poursuit le chercheur. «Stephen Hawking a montré qu’il était possible que les trous noirs s’évaporent en émettant un rayonnement très léger. S’ils perdent ainsi leur masse, ils pourraient donc disparaître. Cela prendrait beaucoup de temps, mais cela voudrait dire que le tissu spatio-temporel pourrait finalement cicatriser.» C’est une hypothèse. Certains pensent quant à eux que le trou noir pourrait «rebondir» après avoir atteint une concentration de masse limite en son cœur. D’autres encore pensent que la déchirure spatio-temporelle pourrait déboucher sur un nouvel univers. «Ces théories sont plus ou moins exotiques», précise Thibaut Damour. «La seule vérité, c’est que nous n’en savons rien à l’heure actuelle.»
F I N .