Post by Andrei Tchentchik on Jul 8, 2019 13:47:28 GMT 2
(#231).- Zoom inédit sur le gigantesque trou noir central de notre galaxie.
Zoom inédit sur le gigantesque trou noir central de notre galaxie.
Par Tristan Vey – Mis à jour le 31/10/2018 à 18:42
Vue d'artiste du trou noir central de notre galaxie avec le passage d'une étoile à proximité. European Southern Observatory/ESO/M. Kornmesser.
Un instrument européen, Gravity, a détecté de la matière orbitant dans le voisinage immédiat de Sagittaire A*, apportant ainsi une preuve supplémentaire de l'existence de cet ogre de quatre millions de masses solaires niché au cœur de notre Voie lactée.
Comme de nombreuses galaxies dans l'univers, notre Voie lactée abrite très certainement un trou noir central supermassif en son centre. Ce dernier concentrerait 4 millions de fois la masse de notre Soleil dans une sphère au maximum 20 fois plus grosse. Seul problème: nous n'avons jamais pu l'observer. Pour être plus précis, nous n'avons en fait jamais observé directement le moindre trou noir jusqu'à présent, qu'il soit supermassif ou non, dans notre galaxie ou dans une autre. Seuls des indices indirects nous ont peu à peu convaincus de leur existence. La détection en 2016 d'ondes gravitationnelles émises par la fusion de deux de ces objets aura fini de convaincre les plus sceptiques, s'il en restait, de leur réalité.
Les astronomes aimeraient toutefois bien savoir à quoi ressemblent ces objets. Ou tout du moins leur environnement. Puisque rien n'échappe à leur emprise gravitationnelle en dessous d'une certaine distance, pas même la lumière, ils délimitent en effet une sphère d'un noir absolu. Ce qui n'est pas très intéressant en termes d'imagerie... Mais il existe très vraisemblablement autour du trou noir un anneau de gaz et de poussières qui orbite à très grande vitesse en émettant de la lumière. Les astrophysiciens ont de bonnes raisons de penser que c'est le chauff*ge de cette matière lors de son effondrement vers le trou noir qui émet les rayonnements intenses trahissant leur présence.
Modélisation d'un sursaut infrarouge similaire à celui débusqué par les astronomes de la collaboration Gravity. European Southern Observatory/ESO/Gravity Consortium/L. Calçada.
Plusieurs projets sont ainsi en cours pour tenter de débusquer ce qui se dissimule dans le voisinage immédiat du trou noir central de notre galaxie, Sagittaire A*, le plus proche et le plus facile à étudier. Gravity, un instrument de nouvelle génération installé au Chili sur le Very Large Telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO), vient par exemple de dévoiler des résultats exceptionnels. Ce dispositif, qui combine la lumière des quatre télescopes du VLT, est si précis qu'il parviendrait à détecter un déplacement de l'épaisseur d'un cheveu à 1000 km de distance. Ce dernier a ainsi pu détecter le mouvement de trois sursauts de luminosité survenus entre mai et juillet dernier dans le proche infrarouge.
La modélisation ci-dessous représente une plongée dans le centre galactique. On distingue d'abord la ronde des étoiles autour du trou noir central, puis la trajectoire de l'une des étoiles les plus proches l'ayant jamais frôlé, et enfin le mouvement de ces sursauts lumineux, représentés par un nuage rouge:
«Ils décrivent un arc de cercle à une vitesse considérable, équivalent à 30% de la vitesse de la lumière (soit 100.000 km/s environ, ou 360 millions de km/h)», décrypte Thibaut Paumard, astrophysicien au LESIA (CNRS/Observatoire de Paris), l'un des laboratoires impliqués dans la collaboration Gravity. «Quelle que soit l'origine de ces émissions, elles se situaient à quelques rayons seulement de distance du trou noir.» C'est plusieurs centaines de fois plus près que l'objet le plus proche jamais observé dans son voisinage.
L'origine des sursauts infrarouges révélés aujourd'hui n'est pas encore parfaitement claire. «Nous sommes a priori devant un point chaud dont la température pourrait atteindre plusieurs milliards de degrés, si ce n'est plus», commente Guy Perrin, astronome à l'Observatoire de Paris et co-investigateur de l'instrument Gravity. «Nous suspectons des phénomènes magnétiques d'être à l'origine de ce chauff*ge très brusque et très localisé.»
«Cela a toujours été un de nos rêves (de détecter ce type de point chaud très proche du trou noir central, NDLR), mais nous n'osions pas imaginer qu'il pourrait se réaliser aussi vite (moins de trois ans après la première lumière enregistrée par Gravity, NDLR)», souligne Reinhard Genzel, directeur Max Planck Institute for Extraterrestrial Physics, le laboratoire responsable de l'instrument. «Ce résultat est une confirmation retentissante du paradigme du trou noir supermassif.»
Un portrait «radio» de Sagittaire A* ces prochaines années?
Ces observations permettent en effet de confirmer qu'une masse de 4 millions de masses solaires (ce sont les trajectoires des étoiles centrales qui permettaient d'arriver à ce chiffre auparavant) est bien localisée dans une sphère de moins de 60 millions de kilomètres de rayon située au centre de la Voie lactée. Une contrainte qui exclut désormais à peu près toutes les hypothèses, généralement très exotiques, qui subsistaient. «Seule une étoile à bosons (une famille de particules à laquelle appartiennent les photons, les gluons ou le célèbre boson de Higgs, NDLR) qui pourrait encore expliquer une telle concentration de masse, mais ces objets très hypothétiques requièrent encore la découverte dudit boson, qui serait bien plus massif que tous ceux que nous connaissons aujourd'hui», souligne Guy Perrin.
Les chercheurs savent que des sursauts 10 ou 100 fois plus intenses peuvent survenir car cela s'est déjà produit par le passé. Ces derniers pourraient être liés à des «points chauds» orbitant encore plus près du trou noir. Pour obtenir un véritable «portrait» du trou noir central de la galaxie, c'est toutefois une autre technique encore qui doit être mise en œuvre. Des chercheurs du monde entier rassemblés dans la collaboration EHT (Event Horizon Telescope) braquent régulièrement depuis 2017 tous les plus grands radiotélescopes du monde vers le centre de la Voie lactée. Ils espèrent ainsi produire une image de «l'ombre du trou noir» qui se dessine au milieu de la matière qui termine de s'effondrer en émettant des ondes radio.
«Les résultats exceptionnels de Gravity semblent indiquer que l'axe de rotation du trou noir est à peu près orienté vers nous, ce qui serait une coïncidence remarquable», souligne Heino Falcke, professeur de radioastronomie et de physique des astroparticules à l'Université Radboud de Nimègue (Pays-Bas), et l'un des fondateurs du projet EHT. «C'est aussi la situation la plus favorable pour réaliser le portrait que nous sommes en train d'essayer de produire.»
Une étoile flashée à 25 millions de km/h en mai dernier 2018.
Vue d'artiste de l'étoile S2 et de son rougissement à son passage le plus rapproché de Sagittaire A* (cette représentation n'est pas à l'échelle). European Southern Observatory/ESO/M. Kornmesser.
L'instrument Gravity installé sur le VLT avait déjà dévoilé des résultats très intéressants cet été. Les chercheurs de la collaboration ont en effet mesuré très précisément la trajectoire de l'étoile S2, l'une des plus proches du trou noir central de notre galaxie jamais identifiée. Cette dernière met 16 ans à en faire le tour sur une trajectoire très elliptique et passait au plus près en 2018 justement. Elle filait à ce moment à plus de 25 millions de km/h, soit près de 3% de la vitesse de la lumière.
Les chercheurs avaient pu constater à cette occasion un «rougissement gravitationnel» très marqué, la lumière de l'étoile étant en quelque sorte «étirée» par la puissance du champ gravitationnel du trou noir. Cette observation permettait de confirmer encore un peu plus la validité de la théorie de la relativité d'Einstein dans un régime encore largement inexploré.
VIDÉO - EN 2013, le réseau de radiotélescopes ALMA mettait au jour le nuage de gaz qui sert de repas au trou noir supermassif situé au centre de la galaxie NGC 1433, située à 30 millions d'années-lumière de nous .
F I N .
Zoom inédit sur le gigantesque trou noir central de notre galaxie.
Par Tristan Vey – Mis à jour le 31/10/2018 à 18:42
Vue d'artiste du trou noir central de notre galaxie avec le passage d'une étoile à proximité. European Southern Observatory/ESO/M. Kornmesser.
Un instrument européen, Gravity, a détecté de la matière orbitant dans le voisinage immédiat de Sagittaire A*, apportant ainsi une preuve supplémentaire de l'existence de cet ogre de quatre millions de masses solaires niché au cœur de notre Voie lactée.
Comme de nombreuses galaxies dans l'univers, notre Voie lactée abrite très certainement un trou noir central supermassif en son centre. Ce dernier concentrerait 4 millions de fois la masse de notre Soleil dans une sphère au maximum 20 fois plus grosse. Seul problème: nous n'avons jamais pu l'observer. Pour être plus précis, nous n'avons en fait jamais observé directement le moindre trou noir jusqu'à présent, qu'il soit supermassif ou non, dans notre galaxie ou dans une autre. Seuls des indices indirects nous ont peu à peu convaincus de leur existence. La détection en 2016 d'ondes gravitationnelles émises par la fusion de deux de ces objets aura fini de convaincre les plus sceptiques, s'il en restait, de leur réalité.
Les astronomes aimeraient toutefois bien savoir à quoi ressemblent ces objets. Ou tout du moins leur environnement. Puisque rien n'échappe à leur emprise gravitationnelle en dessous d'une certaine distance, pas même la lumière, ils délimitent en effet une sphère d'un noir absolu. Ce qui n'est pas très intéressant en termes d'imagerie... Mais il existe très vraisemblablement autour du trou noir un anneau de gaz et de poussières qui orbite à très grande vitesse en émettant de la lumière. Les astrophysiciens ont de bonnes raisons de penser que c'est le chauff*ge de cette matière lors de son effondrement vers le trou noir qui émet les rayonnements intenses trahissant leur présence.
Modélisation d'un sursaut infrarouge similaire à celui débusqué par les astronomes de la collaboration Gravity. European Southern Observatory/ESO/Gravity Consortium/L. Calçada.
Plusieurs projets sont ainsi en cours pour tenter de débusquer ce qui se dissimule dans le voisinage immédiat du trou noir central de notre galaxie, Sagittaire A*, le plus proche et le plus facile à étudier. Gravity, un instrument de nouvelle génération installé au Chili sur le Very Large Telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO), vient par exemple de dévoiler des résultats exceptionnels. Ce dispositif, qui combine la lumière des quatre télescopes du VLT, est si précis qu'il parviendrait à détecter un déplacement de l'épaisseur d'un cheveu à 1000 km de distance. Ce dernier a ainsi pu détecter le mouvement de trois sursauts de luminosité survenus entre mai et juillet dernier dans le proche infrarouge.
La modélisation ci-dessous représente une plongée dans le centre galactique. On distingue d'abord la ronde des étoiles autour du trou noir central, puis la trajectoire de l'une des étoiles les plus proches l'ayant jamais frôlé, et enfin le mouvement de ces sursauts lumineux, représentés par un nuage rouge:
«Ils décrivent un arc de cercle à une vitesse considérable, équivalent à 30% de la vitesse de la lumière (soit 100.000 km/s environ, ou 360 millions de km/h)», décrypte Thibaut Paumard, astrophysicien au LESIA (CNRS/Observatoire de Paris), l'un des laboratoires impliqués dans la collaboration Gravity. «Quelle que soit l'origine de ces émissions, elles se situaient à quelques rayons seulement de distance du trou noir.» C'est plusieurs centaines de fois plus près que l'objet le plus proche jamais observé dans son voisinage.
L'origine des sursauts infrarouges révélés aujourd'hui n'est pas encore parfaitement claire. «Nous sommes a priori devant un point chaud dont la température pourrait atteindre plusieurs milliards de degrés, si ce n'est plus», commente Guy Perrin, astronome à l'Observatoire de Paris et co-investigateur de l'instrument Gravity. «Nous suspectons des phénomènes magnétiques d'être à l'origine de ce chauff*ge très brusque et très localisé.»
«Cela a toujours été un de nos rêves (de détecter ce type de point chaud très proche du trou noir central, NDLR), mais nous n'osions pas imaginer qu'il pourrait se réaliser aussi vite (moins de trois ans après la première lumière enregistrée par Gravity, NDLR)», souligne Reinhard Genzel, directeur Max Planck Institute for Extraterrestrial Physics, le laboratoire responsable de l'instrument. «Ce résultat est une confirmation retentissante du paradigme du trou noir supermassif.»
Un portrait «radio» de Sagittaire A* ces prochaines années?
Ces observations permettent en effet de confirmer qu'une masse de 4 millions de masses solaires (ce sont les trajectoires des étoiles centrales qui permettaient d'arriver à ce chiffre auparavant) est bien localisée dans une sphère de moins de 60 millions de kilomètres de rayon située au centre de la Voie lactée. Une contrainte qui exclut désormais à peu près toutes les hypothèses, généralement très exotiques, qui subsistaient. «Seule une étoile à bosons (une famille de particules à laquelle appartiennent les photons, les gluons ou le célèbre boson de Higgs, NDLR) qui pourrait encore expliquer une telle concentration de masse, mais ces objets très hypothétiques requièrent encore la découverte dudit boson, qui serait bien plus massif que tous ceux que nous connaissons aujourd'hui», souligne Guy Perrin.
Les chercheurs savent que des sursauts 10 ou 100 fois plus intenses peuvent survenir car cela s'est déjà produit par le passé. Ces derniers pourraient être liés à des «points chauds» orbitant encore plus près du trou noir. Pour obtenir un véritable «portrait» du trou noir central de la galaxie, c'est toutefois une autre technique encore qui doit être mise en œuvre. Des chercheurs du monde entier rassemblés dans la collaboration EHT (Event Horizon Telescope) braquent régulièrement depuis 2017 tous les plus grands radiotélescopes du monde vers le centre de la Voie lactée. Ils espèrent ainsi produire une image de «l'ombre du trou noir» qui se dessine au milieu de la matière qui termine de s'effondrer en émettant des ondes radio.
«Les résultats exceptionnels de Gravity semblent indiquer que l'axe de rotation du trou noir est à peu près orienté vers nous, ce qui serait une coïncidence remarquable», souligne Heino Falcke, professeur de radioastronomie et de physique des astroparticules à l'Université Radboud de Nimègue (Pays-Bas), et l'un des fondateurs du projet EHT. «C'est aussi la situation la plus favorable pour réaliser le portrait que nous sommes en train d'essayer de produire.»
Une étoile flashée à 25 millions de km/h en mai dernier 2018.
Vue d'artiste de l'étoile S2 et de son rougissement à son passage le plus rapproché de Sagittaire A* (cette représentation n'est pas à l'échelle). European Southern Observatory/ESO/M. Kornmesser.
L'instrument Gravity installé sur le VLT avait déjà dévoilé des résultats très intéressants cet été. Les chercheurs de la collaboration ont en effet mesuré très précisément la trajectoire de l'étoile S2, l'une des plus proches du trou noir central de notre galaxie jamais identifiée. Cette dernière met 16 ans à en faire le tour sur une trajectoire très elliptique et passait au plus près en 2018 justement. Elle filait à ce moment à plus de 25 millions de km/h, soit près de 3% de la vitesse de la lumière.
Les chercheurs avaient pu constater à cette occasion un «rougissement gravitationnel» très marqué, la lumière de l'étoile étant en quelque sorte «étirée» par la puissance du champ gravitationnel du trou noir. Cette observation permettait de confirmer encore un peu plus la validité de la théorie de la relativité d'Einstein dans un régime encore largement inexploré.
VIDÉO - EN 2013, le réseau de radiotélescopes ALMA mettait au jour le nuage de gaz qui sert de repas au trou noir supermassif situé au centre de la galaxie NGC 1433, située à 30 millions d'années-lumière de nous .
F I N .